Débat sur le droit à l'avortement.
(essai février 2016. AMC)
Suite à une discussion sur le droit à l'avortement, il convient
de s'interroger sur les idéologies qui président à ce débat.
Un important groupe social autour de l'Eglise s'oppose encore au droit à
l'avortement avec des arguments qui relèvent d'une idéologie non
dite, dont les hommes et les femmes ne sont pas forcément conscients,
parce que celle-ci reste cachée et présentée comme une
question morale. Cette idéologie a été rappelée
avec force par certains lors de " la manif pour tous " en 2014, et
dans les forums de discussions concernant " le mariage pour tous ".
L'objectif de l'Eglise et des forces sociales qui sont contre le droit à
l'avortement, semble être le maintien de l'ordre établi tel qu'il
est, et cela passe obligatoirement, comme dans toutes les sociétés,
par la soumission des femmes à cet ordre, c'est-à-dire concrètement
une soumission aux hommes. La médiation des hommes, pour obtenir l'obéissance
à l'ordre établi, est absolument nécessaires, particulièrement
dans les pays machistes et sexistes, la révolte des femmes étant
bien plus conséquente et particulièrement dangereuse pour la société.
Bien que nous soyons au 21ème siècle, l'objectif de la soumission
des femmes, sous des formes indirectes, est sans cesse rappelé par la
mouvance conservatrice de l'Eglise.
Et cet objectif est clairement énoncé dans les pays machistes,
qu'ils soient méditerranéens, ou d'origine espagnole, africains,
asiatiques
Ce caractère machiste, qui est premier, est soigneusement
dissimulé derrière des dictatures qui ont instrumentalisé
des religions comme l'islam.
Qu'il s'agisse de l'excision millénaire dans des pays l'Afrique et d'Asie,
du port du voile dans les pays islamiques, de la procréation non consentie,
de l'énoncé selon lequel une femme doit garder son enfant conçu
lors d'un viol, de l'enchaînement de la femme aux tâches ménagères,
de l'obligation pour la femme de se consacrer à l'éducation des
enfants, de l'homme vu comme le principal chef de famille, de l'incapacité
juridique des femmes, du désir féminin qui serait par essence
bien inférieur à celui de l'homme, de la vision de la femme comme
étant complémentaire à l'homme, des qualités et
manques propres à la femme,
toutes ces idées conventionnelles
ou mortifères ont structuré puissamment les comportements des
hommes et des femmes, comportements que l'on retrouve, y compris au sein d'une
société dite de libération des murs.
Soulignons ici que les femmes ont toujours cherché, quelques soient les
sociétés et les époques, à trouver le moyen d'avorter,
soit à l'aide de plantes, soit à l'aide d'objets introduits dans
l'utérus, quitte à mettre leur vie en danger. Aucune police des
murs n'est jamais venue à bout de cette volonté.
- Le premier argument social fondateur de l' idéologie en question est
la dite " non appartenance de son ventre par la femme " (les jeunes
filles espagnoles ont manifesté en 2014 à Madrid avec des mots
d'ordre écrits sur leurs ventre nus " Les curés et les juges
hors de mon ventre ")
-Le deuxième argument est celui du " meurtre du ftus ",
qui devrait être au moins passible de la prison, et c'est là que
le débat se veut moral et non plus social.
Rappelons que le droit à l'avortement ne concerne même pas toute
l'Europe, et qu'à part les pays de l'OCDE, il n'est généralement
pas reconnu. En Argentine, des dizaines de femmes meurent encore d'avortements
clandestins.
Au moment de la bagarre pour le droit à l'avortement en France en 1975,
il y a tout juste 40 ans, les femmes ont clamé leur droit à "
La libre disposition de leur corps ". Enoncé infamant jeté
à la tête des hommes, des hommes politiques, de l'Eglise, des juges
! Même les partis communistes ont réfuté l'argument.
La position systématique contre le droit à l'avortement est en
premier lieu une discussion d'hommes, pour le compte des hommes, car si le ventre
des femmes n'appartient pas à celles-ci, c'est qu'il appartient aux hommes..
? Si ce n'est pas aux hommes, c'est qu'il appartiendrait à Dieu, mais
c'est obligatoirement pour le compte des hommes, parce que conventionnellement
un homme ne doit pas faire l'amour autrement qu'en pénétrant une
femme, c'est-à-dire en la possédant. En effet, le ventre de la
femme est le lieu où l'homme a le droit de satisfaire ses pulsions sexuelles
irrépressibles (la femme n'en aurait pas
)..
Si l'argumentaire est aujourd'hui en France un peu différent, la réalité
reste la même. La relation sexuelle s'organise aujourd'hui encore uniquement
autour de la pénétration ou de la possession. L'homme lui-même
y est soumis. Soit il peut, soit il est " impuissant ". La preuve
de ceci se trouve dans l'usage quotidien des pilules ou des contraceptifs, sans
lesquelles, l'amour sexuel n'est pas possible. La virilité de l'homme
serait bafouée si la pénétration du sexe féminin
n'avait pas lieu.
Et " le devoir conjugal " (ni plus ni moins que le droit de cuissage),
tel qu'il est dit par l'église, est au service de l'homme. La femme peut
aujourd'hui s'y dérober, mais à ses dépens. Il n'est pas
rare qu'elle y consente à contre cur, car l'acte sexuel n'est pas
encore aujourd'hui partagé à égalité. On dit bien
aussi subsidiairement que l'homme " doit honorer sa femme ", mais
c'est une question secondaire, et cet " honneur " doit se faire par
la pénétration. Parlons cru mais parlons clair. Le ventre féminin
sert à cela. A tel point que dans l'histoire, les femmes sont parvenues
parfois à faire " la grève des ventres " ( !). Dans
ce cas, elles interdisaient à l'homme de les toucher. La virilité
de l'homme était mise à l'épreuve
Dieu ne peut qu'appuyer
la pulsion sexuelle masculine et sa satisfaction dans les normes prévues,
du moins c'est le point de vue de l'Eglise. Même si les hommes réfutent
aujourd'hui l'Eglise, le maintien des normes à cet égard est capital
pour eux.
Mais le ventre de la femme peut aussi, dans maintes sociétés (Moyen
Orient, Maghreb
), appartenir à la famille. Et c'est d'actualité.
Celle-ci marie des ventres, préservés du déshonneur par
la virginité, et l'homme doit montrer encore parfois le drap rougi à
la fenêtre au lendemain des noces. Ainsi l'obligation sociale de la pénétration
doit prouver la virilité de l'homme et la soumission de la femme. Ici
le corps de la femme appartient à la famille et est le garant de "
l'honneur ". Et le sexe de l'homme est, en retour, soumis à un rôle
social qui va gravement entraver la relation de ce dernier à la femme.
Contre la relation de tendresse, l'homme va se croire obligé de montrer
ses performances viriles.
D'autant plus que pour l'Eglise, la validité de l'acte sexuel se justifie
uniquement parce qu'il doit servir à engendrer des enfants. Quoique les
choses aient évolué en Europe, le motif de l'amour que les époux
se porterait est tout à fait secondaire dans cette question. S'il existe
tant mieux, s'il n'existe pas, tant pis, " cela viendra avec le temps ".
La femme doit être pénétrée, et en subir les conséquences,
car elle doit faire des enfants. Et souvent la femme consent pour avoir des
enfants.
Les femmes doivent donc se soumette à une société d'hommes
qui dictent ce que doit être la réalité de la virilité.
Elles sont encore largement dépossédées de leurs corps,
et de leurs volontés propres, dans la mesure où elles acceptent
de dormir dans un lit avec un homme, ce lit étant appelé "
le lit conjugal ". ...
L'origine des problèmes se trouve d'abord là.
Mais parlons d'amour. " Dieu est tout amour ! ". S'il en est ainsi,
l'acte d'amour réfléchi et égalitaire, peut se passer de
la pénétration/possession, dans les périodes où
la fécondité est au maximum. Les deux parties du couple peuvent
se satisfaire et se réjouir ensemble très amplement par des caresses
propres à provoquer l'orgasme de part et d'autre.
Mais précisément, c'est de cela dont l'Eglise et la société
des hommes ont horreur. Et c'est là qu'entre en compte l'argument de
la " nature ". Le fondement de l'opposition à l'homosexualité
se trouve là. Si l'homme doit pénétrer la femme, c'est
parce que c'est la nature qui l'impose. Faire autrement que ce que " la
nature " imposerait, est proprement criminel. Notons ici que l'homme, sans
s'en rendre compte, se glorifie de n'être qu'un animal.
Mais de plus, le " dessein de Dieu " ne serait pas l'amour réciproque
mais la procréation qui justifie le droit inaliénable de l'homme
à imposer et démontrer socialement sa virilité. Toute autre
façon de faire l'amour autre que celle " imposée par la nature
" (la pénétration) relèverait donc de l'interdit de
l'Eglise, des Eglises, donc serait de l'ordre de la " prostitution ".
Le mot sifflait tellement fort à nos oreilles, qu'il fallait le dire.
Ou de l'homosexualité.
L'amour dans l'égalité et dans le respect de ce que désire
l'autre, n'est pas tolérable dans la tradition de l'Eglise. La femme
doit par définition être " soumise à sa biologie "
dans le cadre d'une finitude terrifiante : se taire et avoir des enfants "
autant que Dieu le voudra ", c'est-à-dire autant que l'homme voudra.
Chez les " évangélistes " il en est ainsi, en Europe
et ailleurs
C'est une négation de l'amour, caractéristique du monde judéo-islamo-
chrétien, et des sociétés machistes, d'où l'on déduit
évidemment encore une fois que l'homosexualité est contre nature.
(Nous avons envie ici de rappeler l'attitude du Christ face à la prostitution
et à ceux qui lui demandent que soit lapidée Marie-Madeleine,
la prostituée. Il répond " Que celui qui n'a jamais péché
lui lance la première pierre ". Et tous les hommes s'en vont les
uns après les autres après s'être regardés. Mais
ce qui est fort dans cette fable, c'est que le Christ, demeuré seul,
aurait pu estimer être le seul juste, et lancer la première pierre.
Ce qu'il ne fait pas. L'Eglise ne commente pas cela).
Mais revenons au préambule. La question de ce qui se passe dans le ventre
d'une femme, en termes de liberté individuelle, ne peut, selon nous,
relever que d'elle seule, avant tout.
Notons que c'est très récemment qu'une loi a reconnu le viol dans
le mariage (15-11-2010). Il y a encore quelques années, un homme avait
tous les droits sur sa femme dans le mariage, d'un point de vue juridique. Cette
question est dans les faits loin d'être réglée, puisque
si les hommes et les femmes peuvent se battre réciproquement, c'est généralement
l'homme qui tue la femme rebelle. Le nombre des femmes tuées chaque année
par leur mari ou compagnon demeure important.
Enfin, les femmes sont tellement mutilées mentalement, muselées
et formatées, (on l'a vu dans " la manif pour tous ") qu'elles
en viennent elles-mêmes à devenir parfois des propagandistes pour
le compte des hommes
idem pour l'excision. A tel point qu'on entend dire
que les problèmes relatifs à ces sujets sont l'affaire des femmes.
Le deuxième argument entend faire porter l'indignation sociale principalement
contre " le meurtre " du ftus. Ce serait la violence des
violences, passible de la prison ou de la mort sous Pétain. La prison
est réclamée aujourd'hui pour ceux qui pratiqueraient ce "
meurtre ".
C'est évidemment escamoter la violence sans égale des hommes pratiquée
tous les jours, où que ce soit dans le monde, sur ordre de leur Etat
auquel ils se soumettent, à savoir la torture, la guerre et le viol comme
arme de guerre. Les trois au service de la patrie ou de l'Etat dans les guerres
offensives, ou au service d'une " cause ", par exemple l'appropriation
des matières premières d'un pays par un autre, ou d'un territoire,
la modification des frontières, l'évangélisation
Mais bien pire, tous les tyrans violent à tour de bras les femmes, les
jeunes filles ramassées dans la rue par leurs sbires, non pas au nom
de leurs religions mais de leur pouvoir : Staline, Mao
Kadhafi avant qu'il
ne soit assassiné, les intégristes du GIA algérien, la
police égyptienne toute puissante, les dictateurs de tous poils
..Très
récemment les fils de généraux au Tchad.
Mobiliser contre " l'assassinat du ftus " pourrait avoir pour
fonction, en effet, d'oublier que la société est structurée
(où que ce soit) par la violence des hommes contraints ou non par un
pouvoir central, à tuer d'autres humains, et à blesser très
gravement des femmes dans leur intimité. Dans ce qu'on appelle la République
démocratique du Congo (issue du Congo belge de Mobutu), des militaires
érigés en bourreaux furent et sont spécialistes de la destruction
du vagin des femmes, les condamnant ainsi à de terribles souffrances,
et à des infections mortelles. Ce n'est sans doute pas par hasard qu'un
homme chirurgien, Denis Mukwege, se soit mis au service de la réparation
de ces femmes, dans un hôpital protégé par les Nations Unies.
Ce n'est pas par hasard non plus qu'il soit menacé de mort par les hommes
au pouvoir. (voir le film documentaire " L'homme qui répare les
femmes ")
Pourquoi, dans ces conditions, la dite violence des femmes contre le ftus
serait intolérable, tandis que celle des hommes contre les humains dans
la guerre serait dans l'ordre des choses, de simples actes de guerre
?
On entend même affirmer que par la guerre, un homme devient un homme !
C'est toujours le même problème du droit des femmes à ne
pas se soumettre à ce qu'elles ne veulent pas.
Revenons au dit " meurtre du ftus ". La discussion philosophique
réelle porte sur ce qu'est un humain et quand commence l'humain. Cette
discussion est infinie, et elle varie selon l'état de connaissances.
Aujourd'hui beaucoup de chercheurs pensent que la souffrance du ftus commence
avec l'existence des centres cérébraux. Ceux-ci ne se formeraient
qu'au 6ème mois de la grossesse. Mais les médecins ont été
prudents. Ils n'autorisent en général l'avortement que pendant
les 3 premiers mois de la grossesse.
De plus on ne va pas se faire avorter comme on va au cinéma. Les discussions
préalables, quoiqu'en disent les détracteurs du droit à
l'avortement, demeurent importantes. Il n'est écrit ou dit nulle part
que l'avortement est un moyen de contraception. Surtout pas par les centres
du " Planning Familial " dont l'objet est d'abord la contraception.
L'avortement fut cependant un moyen de contraception dans les pays dits socialistes.
Quand le ftus passe-t-il de l'animalité à l'humanité
? On peut en discuter à perte de vue. Ce n'est pas une discussion anodine
sur le plan scientifique et moral. Soit on considère que ce sont les
" centres cérébraux " qui en décident, soit que
c'est la viabilité du ftus.
Prétendre que le ftus, dès sa constitution est déjà
humain dès sa conception, c'est faire preuve d'un orgueil démesuré.
Dans l'animalité du ftus, ce qu'il est à sa conception,
l'humain y verrait-il déjà l'humain ? On n'est pas un humain a
priori, on devient un humain, physiquement et mentalement.
La vraie question est plutôt celle des effets d'un avortement sur la femme,
au plan psychologique et physique. Elle est autrement plus importante que celle
de l'élimination d'un ftus de 3 mois.
Cette discussion reste ouverte. Il est évident que ce sont les moyens
de contraception qui doivent avoir la priorité, et l'éducation
sexuelle et amoureuse, pour éviter l'avortement.
Aujourd'hui les questions sexuelles sont livrées aux laboratoires pharmaceutiques
qui n'entendent que faire fructifier de l'argent après que la publicité
ait livré le désir sexuel à la marchandisation.
On peut en effet considérer que les humains, dans la société
marchande, sont le plus souvent dans un état effrayant de misère
sexuelle et affective. La prostitution n'en est que le reflet. Ils connaissent
le désir, ont une piètre connaissance des moyens affectifs et
psychiques de le cultiver et de le satisfaire, ont une peur démesurée
de l'amour, et préfèrent dans la majorité des cas le bien
être marchand à deux avec tous ses gadgets.
Le caractère libérateur, égalitaire et subversif de l'amour,
hors des contingences de la procréation, est rarement pensé et
vécu comme tel. Ce caractère subversif de l'amour, qui implique
l'égalité totale entre un homme et une femme, mettrait en cause
l'ordre établi, où la femme ne peut être généralement
que le complément de l'homme. C'est-à-dire l'une de ses côtes
dans les théories créationnistes
.
Le rôle dévolu à toutes les Eglises est de préserver
un ordre social où la femme doit être assujettie. Ceci pour sauvegarder
les pouvoirs en place, qui sont les pouvoirs des dominants, des dictateurs,
des multinationales. Les hommes principalement, formatés à cet
effet, sont leurs meilleurs outils.
LE DROIT A L'AVORTEMENT MIS EN QUESTION EN POLOGNE.
(Le Monde des 3 et 4-4-2016)
L'Eglise catholique demande son interdiction.
L'avortement n'est permis que dans 3 cas (rique pour la vie de la mère, grave pathologie concernant l'embryon, viol ou inceste). L'glise veut supprimer cela. 30% des polonais seraient pour.
Les médecins de Varsovie ont demandé l'interdiction de la pilule du lendemain... car cette pilule entraîne la dépravation de la jeunesse.