(d'après une interprétation des articles du Monde de Jean-Philippe Rémy). Juillet 2007, AMC.
Deux thèses sont généralement avancées sur le Darfour,
d'une part celle de BHL (Bernard Henri Levy, l'inénarrable et éternel
" bien pensant " pro-américain), avec son ami Kouchner (Urgence
Darfour), qui avance la rhétorique du choc des civilisations (arabes
musulmans contre chrétiens) en brandissant les droits de l'homme et la
démocratie contre un dit génocide, et d'autre part celle des ONG,
MSF, MDM, qui agissent sur place et s'opposent à la thèse ci-dessus
et à toute intervention militaire, laquelle, au nom de l'interventionnisme
" humanitaire ", permettrait une fois de plus aux dominants, les USA
en tête, de s'emparer du pétrole soudanais, de détruire
le travail entrepris et de semer une guerre civile pire que celle actuelle.
Face à cela, le journaliste ci-dessus, qui a fait un excellent travail,
nous dit, à sa façon, qu'il s'agit depuis plus de 20 ans au
Soudan d'un conflit social et environnemental d'envergure, et non point d'un
conflit religieux.
En extrapolant, il donne deux raisons aux conflits du Sud du Soudan (conflit
achevé), et du Darfour : d'une part le refus du gouvernement central
de répartir avec justice les richesses de l'Etat (entre autres le pétrole)
en pratiquant une corruption éhontée et un enrichissement incroyable
pour une petite élite bourgeoise ; d'autre part une désertification
accélérée qui ne cesse de produire ses effets désastreux,
depuis 1985-86, qui détruit les équilibres traditionnels, et ne
reçoit aucune réponse positive de la part du gouvernement central.
La seule réponse, empruntée à l'histoire coloniale britannique
: diviser pour régner.
-L'est et le nord du Soudan sont majoritairement arabes. Le sud est constitué
majoritairement d'ethnies noires. L'ouest (le Darfour) est majoritairement constitué
d'ethnies noires (Fours, Zaghawas, Massalits), plutôt des agriculteurs,
puis de tribus arabes (les Mahariyas), plutôt des nomades. Mais ces diverses
tribus se sont mélangées et ont toutes des ancêtres arabes
ou noires. C'est plutôt le nom de la tribu qui fait le partage entre les
populations. Egalement le sud du Darfour comporterait beaucoup d'arabes.
-L'est et le nord sont majoritairement musulmans. Le sud est chrétien,
et le Darfour est musulman très pieux !. On trouve donc des arabes musulmans,
des noirs musulmans et chrétiens. Se trouve ici immédiatement
démolie la thèse du choc des civilisations. Le gouvernement central
musulman envoie des troupes au Darfour contre des musulmans. Que BHL et Kouchner
revoient leurs copies.
Ce conflit a duré 20 ans (1983 à 2005) et a fait deux millions
de morts ; le gouvernement y avait embauché des paysans du Darfour dans
l'armée contre le sud. Celui-ci avait à sa tête l'armée
populaire de libération du Soudan et John Garag, il s'est achevé
en 2005 par un compromis :
-la moitié des revenus du Soudan ira au sud
-l'armée du sud demeure et n'est donc pas désarmée.
C'est donc un recul du pouvoir central considérable.
Le fondement du conflit était bien l'inégale répartition
des richesses. Reste à savoir comment John Garag va répartir cet
argent dans un sud, qui est sans aucune infrastructure comme le Darfour.
Le schéma qu'on va décrire vaut pour toute la zone sahélienne
de l'Afrique.
La fonction du nomadisme est l'élevage et le commerce. Le nomadisme empêche
le surpâturage, c'est-à-dire l'élevage sédentaire
dans des zones fragiles et faiblement arrosées. Les nomades partent avec
tous les troupeaux dans les zones les plus humides, selon les périodes,
et émigrent dès que ces zones deviennent sèches. En même
temps ils échangent les produits des diverses régions entre elles,
pour leur propre compte et pour le compte des agriculteurs, en échange
des produits agricoles vendus par les agriculteurs sédentaires. Ils ont
des droits de parcours négociés et un accès aux puits et
aux rivières par entente avec les populations sédentaires.
Au Darfour, les nomades partent donc vers le sud à la saison des pluies,
et remontent vers le nord auprès du fleuve Wadi Howa à la saison
sèche (c'est le seul fleuve). Cet équilibre assure en principe
une collaboration sociale et va de pair avec une pénurie de terres.
Lors d'une absence d'eau plusieurs années de suite à la saison
des pluies, qui installe une désertification durable, cet équilibre
est rompu. Les troupeaux sont dévastés. Les nomades sont réduits
à la misère. Ils iront s'installer dans le sud du Darfour à
la fin des années 80, chercheront des terres, et ne pourront de toutes
façons produire assez de nourriture. C'est la naissance de conflits entre
populations puisque le pouvoir central n'intervient pas, ne fournit pas d'aide.
La seule chose à laquelle le pouvoir pense est l'instrumentalisation
des apparences : comment transformer des conflits sociaux et nvironnementaux
en oppositions religieuses, précisément pour n'avoir pas à
intervenir autrement que militairement.
Des troupeaux se reconstitueront mais la tendance ira à la sédentarisation,
dans des zones qui ne la supportent pas, car les parcours longs sont de moins
en moins possibles aux nomades du fait de la sécheresse.
Il débute en 2003. Les habitants du Darfour veulent des infrastructures,
des écoles, des routes, des hôpitaux ; ils veulent pourvoir accéder
aux postes de responsabilité à tous les niveaux ; ils n'obtiennent
rien
Le front de libération qui devient l'armée de libération
du Soudan attaque la ville Al-Fasher. Le pouvoir central stupéfait décide
d'écraser la rébellion. Il n'est pas encore sorti de la guerre
avec le sud que l'ouest s'embrase. Cette rébellion, armée entre
autres par Tripoli, fait rapidement la jonction avec John Garang du
Sud Soudan. Les populations du Darfour et du Sud Soudan constatent l'identité
de leurs problèmes. Garang fournit des armes et des conseillers au Darfour.
Le pouvoir central fait appel, comme pour le sud depuis 1990, à des milices
" arabes " musulmanes contre les noirs musulmans. Ces milices sont
constituées par des miséreux sans terre, des repris de justice,
des tchadiens. Ils doivent se présenter avec leurs montures. Ils recevront
un salaire, la liberté de pillage, de tuer et de violer, à condition
de pratiquer la politique de la terre brûlée. On leur explique
qu'il faut arabiser le Darfour pour qu'ils obtiennent des terres.
Mais rapidement les milices travaillent pour leur propre compte car les salaires
promis n'arrivent pas. Elles deviennent incontrôlables. Le gouvernement
laisse faire les razzias.
Le pétrole exploité depuis 1999 est acheté pour 65% par
la Chine et est convoité par les USA. Le gouvernement n'envisage pas
d'effectuer un partage des richesses avec le Darfour ou le Sud Soudan.
Il semble que les tribus diverses, arabes et noires, constatent de plus en plus
l'identité de leurs problèmes : Dilapidation de la richesse par
une bourgeoisie corrompue, misère pour les paysans et les nomades, un
manque d'eau récurrent.
Les USA et les occidentaux en général ont donc tout intérêt
à faire de ce conflit un nouveau conflit entre de présumés
islamistes arabes et des chrétiens. Ils ont intérêt
à intervenir avant une union politique du peuple contre un gouvernement
qui manifeste une bonne volonté affirmée de collaborer sur la
question dite du " terrorisme ". Le gouvernement soudanais "
informe " en effet l'administration des USA de tout ce qui se passe au
Moyen Orient, dans les formes qui intéressent celle-ci. On comprendra
facilement en quoi la politique de Kouchner puisse être approuvée
par les USA. La seule chose que l'on serait en droit d'attendre, de l'ONU par
exemple, est une pression politique d'envergure pour que les richesses venues
du pétrole soient partagées équitablement en faveur du
peuple, par l'intermédiaire des tribus. Mais pour le compte de qui agit
l'ONU ??
juillet 2007
(Jean-Philippe Rémy reprend la plume le 10 juillet 2021).
La situation a empiré avec la création du Sud-Soudan. Ce qui s'est passé à partir de 2005, un compromis de paix, aurait pu être écrit à l'avance par rapport à ce que l'on sait de l'utilisation des désirs de paix des populations en Afrique. Il faudra encore 6 ans entre ce compromis et l'indépendance, en 2011, le temps que les protagonistes d''un nouveau cauchemar se mettent en place.
Les combattants révolutionnaires "patriotes" deviennent des gangsters.
L' ancienne puissance colonisatrice bien connue, la GB, veut le pétrole, et va s'employer à diviser les populations entre elles.
De nouvelles puissances comme la Chine apparaissent; les institutions internationales se mettent en place pour "secourir", c'est à dire réduire les populations à la mendicité...et non pas aider à organiser une paix réelle.
Le Soudan du Sud est devenu indépendant du Soudan, le 9 juillet 2011. Après un référendum d'autodétermination prévu par la paix d 2005. Mais ce nouveau pays partait avec l'essentiel des réserves de pétrole, sans la moindre capacité à en contrôler l'exploittion par manque des infrastructures nécessaires et du savoir faire. Les ressources devaient être partagées à égalité après la paix et l'indépendance.. John Garang s'y était engagé.
Malheureusement pour lui, son hélicoptère s'est écrasé peu après le compromis de 2005 comme par hasard (!) avant qu'il puisse être nommé vice Président dans une période de transition. Personne ne parle d'assassinat... ouvertement. John Garang semblait avoir un charisme important et des idées claires sur la justice. Il disparait et ceux qui le remplacent vont se comporter comme des gangsters, une fois l'indépendance obtenue..
Immédiatement les chefs des ethnies du Sud-Soudan, comme remontés par une mécanique, s'affrontent sur des problèmes récurents, non pas de religions, mais de vieux conflits non réglés autour des coutumes pastorales, de bétail, d'organisation de la vie coutumière. Des guerriers fous de pouvoirs vont utiliser, dès 2013, deux ans après l'indépendance, ces conflits qui se réglaient jadis devant les tribunaux coutumiers, pour tenter de prendre le pouvoir: Salva Kiir, Président lors de l'indépendance, au nom de l'ethnie Dinka chrétienne, et Ruek Machar, vice président, au nom de l'ethnie Nuer, plus animiste que chrétienne, s'affrontent et se déclarent la guerre dans un pays où les gens n'attendent que la paix.. Comment est-ce possible ?
Le Soudan s'est employé, dès avant l'indépendance, à opposer les populations entre elles, leur interdisant ainsi la voie à la constitution d'une nation. Il provoque la mise en place d'un gouvernement au Sud-Soudan qui doit faire face à des milices tribales payées par Kartoum, qui vont les diviser.. Ainsi des ethnies que tout rapproche, au niveau des intérêts, de la langue, des croyances, comme celles ci-dessus, unies dans la lutte pour l'indépendance, vont se confronter sur des conflits de second ordre: le pouvoir et les prébendes ! Une guerre civile dévastatrice s'enclenche alors de 2013 à 2018 et fait 400 000 morts, et un million de réfugiés qui vont dans les camps de l'ONU, ou s'expatrient au Soudan !! Les inondations s'en mêlent, les criquets.. puis la famine.
La GB au moment de la colonisation avait utilisé les ethnies en question pour organiser la corvée, construire des pistes, collecter les impôts ( " Sud-Soudan : l'État et les sociétés nilotiques traditionnelles" par Christian Delmet en 2013) mais ne fit rien pour contruire un Etat. Les Nuer en particulier étaient rebelles à toute autorité. Cette caractéristique fut conservée dans le but d'une pacification de soumission, qui préserva des rancoeurs.
Le journaliste Rémy indique de plus que les milieux démocrates et républicains américains vont profiter de la situation pour faire intervenir, chez des populations supposées chrétiennes, des curés trafiquant d'armes, des "humanitaires" distribuant la nourriture aux chefs de guerre....
(Ce que les USA reprochent aux islamistes, est pratiqué par eux par l'entremise de pseudos-chrétiens nouveaux colonisateurs)
L'objectif des USA est de faire prospérer une économie de corruption, avec des populations qui demeurent assujetties, et non pas autonomes, dans un pays ayant d'importantes ressources: pétrole, minéraux, gomme arabique, forêts, terres fertiles... où il faut tout construire car le Soudan central n'a jamais rien construit au sud.
Il semble que l'objectif non dit soit de dépouiller les sud-soudanais de leurs terres pour les donner à des militaires et à des étrangers comme les chinois....?
Les sud-soudanais n'ont ni eau, ni électricité, ni routes. Mais un seul fleuve le NIL Des entreprises Erythréennes vendent l'eau du Nil purifiée et ... font fortune. Les entreprises chinoises construisent des routes, des hôpitaux. Une centrale électrique est éthiopienne (Le Monde des 14 et 15 juillet 21 Florence Miettaux). Les capitaux chinois promettent centres médicaux et hôpitaux...Mais les populations sont dépouvues de chefs ayant des objectifs politiques correspondants aux besoins. Elles sont démunies et affamées.
Actuellement les femmes et les enfants payent le plus lourd tribu. Des centaines et des centaines de femmes pauvres meurent en couche avec leurs bébés, sans accès aux soins, dans un pays potentiellement riche, dont les populations sont délaissées, misérables et désespérées.
20-7-2021 AMC