Ce tournant a été imposé par des sociétés mondialisées en quête de "toujours plus d'argent...". C'est la fin du capitalisme national et d'un certain type de nationalisme économique. Il est de bon ton de dire, chez certains capitalistes, qu'il n'est plus temps que la France, par ex, soit autosuffisante dans quelque domaine que ce soit. Le Doliprane doit être produit en Chine, les autos en Roumanie, les tomates en Espagne, la lingerie en Asie....etc
Ce ne sont pas les "lois du capitalisme" qui se sont imposées,
ce sont des chefs de gouvernement qui ont fait voter des lois en faveur du capital
dans tous les parlements, et les députés ont voté, avec
le soutien de la gauche....au nom du "progrès"....... et des
holdings, mais ilne faut pas le dire!
Années 79-80 : dans les pays anglo-saxons et la France, constat
de la baisse de rentabilité du capital. L'URSS est en crise, les craintes
à son égard sont tombées. Après les années
folles 68-69 de contestation, c'est le retour de bâton, les entreprises
exigent dans la décennie 70 un retournement de la situation en leur faveur,
la liberté pour le capital, plus de profits, un EBE (excédent
brut d'exploitation) en croissance
On est en plus dans le contexte de la fin de l'étalon de change or (le
15 août 1971 fin de l'étalon de change or. En 1976, les accords
de la Jamaïque entérinent cet état de fait ; c'est l'abandon
officiel de toute référence à l'or dans le système
monétaire : taux de change flottants).
Pour les raisons ci-dessus les Etats vont abandonner peu à peu le contrôle
des changes. Les taux de change sont livrés au marché. Or le commerce
nécessite des monnaies stables. Face à cette réalité,
la théorie d'Adam Smith du 19ème siècle s'applique complètement
: la politique de rigueur salariale et sociale est seule à même
d'assurer la stabilité de la monnaie par l'intermédiaire d'une
intervention minimale de l'Etat lequel doit limiter la transformation du capital
en revenus. Cette transformation génère en effet l'inflation.
Tous les gouvernements appliquent une politique dite de désinflation
compétitive, ou de rigueur (cette théorie peut être explicitée
plus longuement).
Si l'on y ajoute la hausse des taux d'intérêt dans cette période,
on a des chances que la stabilité monétaire soit maintenue, mais
c'est entrer en conflit immédiat avec les salariés.
Les entreprises exigent en outre au niveau international la libre circulation
du capital. Celle-ci peut accroître de façon mécanique l'instabilité
monétaire. Donc les politiques sociales doivent être vigoureuses
et sans état d'âme.
Cette situation va être gérée fin 79 début 80, d'abord
par Reagan aux USA et Thatcher en GB qui entrent de plein pied dans la libre
circulation du capital et tout ce qui l'accompagne : extension des marchés
financiers, appel plus important à ces marchés pour se financer,
moindre financement par les banques, élimination de tous les secteurs
non rentables, autorisation de la spéculation par l'intermédiaire
de marchés particuliers ( pour compenser les pertes aux changes, aux
taux d'intérêts, aux marchés des matières premières),
abolition du contrôle des changes, abolition des distinctions entre les
diverses activités bancaires instituées dans les années
30 (dépôt et investissement)
liberté pour la finance
de se développer comme il lui semble bon.. etc
Ceci est valable pour le monde occidental et pour les pays dans la dépendance
des grands pays riches : naissance des politiques d'ajustement structurel imposées
par le FMI aux pays du Tiers monde (d'après le PNUD la décennie
80 sera une décennie perdue pour le Tiers monde)
La France au début des années 80, est toujours à la recherche
d'une politique favorable à l'Etat providence, avec une gauche qui réalise
le programme commun et prend le pouvoir.
C'est un machiavel, Mitterand, qui va dans un langage de gauche faire passer
toutes les réformes nécessaires à la liberté du
capital et à la rigueur sociale. Il s'entoure de socialistes tels que
Mauroy, Bérégovoy, Delors, Rocard.. qui auront l'art de la situation
pour faire passer des vessies pour les lanternes. Ils vont réhabiliter
l'entreprise, le profit, la concurrence
mais en commençant par des
nationalisations pour s'attirer les bonnes grâces du public. Ces dernières
touchent des entreprises qui doivent être, non pas administrées
pour le bien public, mais rentabilisées, puis démantelées,
pour être revendues ensuite avec profit
Mitterand annonce la couleur,
mais le PCF s'efforce d'en limiter le sens, les nationalisations étant
dites bonnes en soi, quel que soit l'Etat qui les gère
. Sauf que
le PCF finira par rompre avec le gouvernement.
Dans cette situation où la compétitivité et la concurrence
s'imposent avec force, le profit, l'innovation, la rentabilité, doivent
être à la base de toute politique, c'est pourquoi le " corporate
governance " venu des USA, va sous des formes différentes, mettre
au centre de la politique économique la redéfinition de la direction
d'entreprise et va donner aux actionnaires au sein du conseil d'administration
un rôle central de contrôle de la gestion.
Les Conseils d'administration vont se doter de plusieurs comités d'études
à leur service.
La réforme des conseils d'administration vient des USA. La transparence
est de mise et les actionnaires doivent pouvoir tout comprendre. Mais la transparence
n'existe pas pour les citoyens.
L'actionnaire va être poussé à un rôle de premier
plan, en tant qu'apporteur de capital qui assume le risque ; il devra contrôler
les dirigeants d'entreprise, qui doivent faire " une bonne gestion "
avant tout (rentabilité), et mettre au second plan des politiques sociales
favorables aux salariés. Les investisseurs institutionnels ou collecteurs
d'épargnes, différents des banques, ne vont plus se contenter
de gérer leur portefeuille au minimum mais vont vouloir exiger une valorisation
accrue du capital apporté (Assurances, Mutuelles d'assurance et de santé,
Caisses de retraite, Fondations reconnues d'utilité publique Fonds de
dotation, Entités publiques ou parapubliques (comme la Caisse des Dépôts),
régimes de retraites complémentaires, caisses de congé
(bâtiment, transports)
). Le mouvement est lancé, et tous
les actionnaires vont exiger des dividendes à la hauteur du capital qu'ils
apportent. Pas de quartier. Les fameux " fonds de pension " qui apportent
des sommes colossales vont imposer une rentabilité conforme à
leurs intérêts. La norme du rendement va passer de 6 à 12%.
(source : little-akuma.com ScPo)
La part des dividendes dans le profit va passer en France de 24,7% à
50,1% de 1980 à 1990. La part des banques dans le crédit bancaire
passe de 80% à 20% en 1996. L'entreprise se finance désormais
principalement sur le marché.
C'est un changement radical de vision des choses. L'entreprise perd ses objectifs
traditionnels propres, et sa vision " nationale ", elle obéit
aux injonctions de ceux qui réclament que l'argent fasse de l'argent.
C'est à cette époque que les laboratoires pharmaceutiques deviennent
des entreprises financières et perdent leur référence première
à la santé publique : tous les scandales sanitaires vont passer
par eux.
En France, les lois permettant une dérèglementation totale, c'est-à-dire
mettre au second plan l'intérêt public, vont s'étager de
1982 à 1986 et plus, en vue de :
-dérèglementer les marchés financiers (création
du second marché),
-permettre aux entreprises de se financer librement sur le marché avec
des certificats d'investissements,
-délaisser les banques (qui vont innover dans des produits qui vont s'avérer
dangereux),
-ouverture du marché monétaire,
-fin du contrôle des changes,
-création du MATIF et du MONEP (ouverture à la spéculation
légale)
.
-idéologie de la privatisation à tout va
C'est en plus l'entrée en force des " fonds de pensions " dans
les conseils d'administration et leur promotion..
En GB Mme Thatcher, de sinistre mémoire, dérèglemente les
chemins de fer qui deviennent privés, ferme massivement les mines de
charbon jugées non rentables, privatise en masse, baisse les impôts
des sociétés, réduit la dépense publique drastiquement
.
Etc etc et aboutit à 3 millions de chômeurs, avec par suite à
une baisse très conséquente des salaires, après s'être
attaquée au syndicalisme comme aucun gouvernement n'avait osé
le faire
Concernant les actionnaires, ceux-ci définissent désormais une
politique qui est souvent en complète contradiction avec la définition
même de l'activité de l'entreprise (le pire exemple est les laboratoires
de santé), et cherchent des marchés porteurs quitte à laisser
des besoins non satisfaits.
Leur but est de rémunérer les actionnaires à haut niveau,
permettre aux PDG des traitements faramineux, promouvoir les sociétés
pour être le mieux placées dans la compétition, sans considération
des objectifs publics passés (dans les transports, le chauffage, l'agriculture
).
C'est promouvoir une situation dans laquelle la production est de plus en plus
déconnectée des besoins humains et environnementaux. C'est préparer
des situations sociales qui peuvent devenir incontrôlables.
C'est préparer, dans le domaine de la santé, des scandales sanitaires
à répétition, en recherchant avant tout des médicaments
qui semblent bien marcher à court terme, en dédaignant le long
terme, qui sont souvent très chers, voire hors de prix, sur des marchés
solvables. C'est la sécurité sociale ou les assurances maladie
qui payeront. C'est détourner en France le rôle de la sécurité
sociale, qui n'a pas été faite pour financer les labos pharmaceutiques
mais pour couvrir les frais de santé des citoyens. Si les génériques
aident à contourner ce scandale, il apparaît que les labos travaillent
d'abord pour la clientèle occidentale, tout en gardant les pays du Tiers
monde comme terrains propices à leurs essais pharmaceutiques ou leurs
vaccins.
21-8-21