Si l'exploitation tient une place centrale dans l'uvre de Marx, c'est
cependant la théorie matérialiste de l'histoire, ou ce qui a été
appelé encore le matérialisme dialectique par les marxistes divers,
qui charpente les raisonnements de l'auteur et sa vision du communisme. Au risque
de faire injure aux adorateurs du " tout Marx ", il faut appeler plus
clairement cette vision le " déterminisme historique ", dans
le sens où des lois réglementeraient les faits et le cours de
l'histoire. Dans cette vision, la dialectique ne sert qu'à justifier
la nécessaire et l'inéluctable progressivité (évolution
dans le sens du Progrès général) de l'Histoire, et la science
permettrait de saisir ces fameuses lois.
.L'ensemble des critiques que nous pouvons faire aujourd'hui à l'uvre
de Marx se rapporte finalement à cette façon d'envisager l'histoire
qui n'est d'ailleurs pas particulière à Marx, mais à la
pensée dominante du 19ème siècle, et très largement
à celle du 20ème siècle. On trouve là les idées
clefs de tous les " industrialistes ", dont Marx fait partie mais
sous une forme particulière : a) l'enchaînement obligatoire des
modes de production, ou des phases d'évolution, justifiant le dépassement
des sociétés dites inférieures ou archaïques par des
sociétés dites supérieures, l'Occident rassemblant les
dernières sociétés supérieures connues, à
travers le capitalisme, ce dernier devant être dépassé lui-même
par le communisme ; b) la nécessité historique, chez Marx, de
l'exploitation qui implique que le prolétariat devienne à son
tour la classe dominante, c) la nécessité du machinisme, du salariat,
du capital, de la colonisation, puis leur dépassement dans une société
idéale, le communisme, ce qui inclut transitoirement que le plus haut
degré de la civilisation ait pu être à moment donné
le capitalisme. Finalement Marx, comme les libéraux, a fait l'apologie
du capitalisme, le communisme n'étant que l'appropriation du capitalisme
par une société où les moyens de production seraient entre
les mains de l'Etat prolétarien dans un premier temps. Tout cela justifié
par l'existence de prétendues lois historiques.
Une partie de ces idées se trouve chez les philosophes des Lumières,
à ceci près que ces derniers défendent une conception de
la rationalité fondée sur le doute, la tolérance, l'émancipation
des peuples, les savoirs, alors que les tenants du capitalisme ont réduit
la rationalité à celle du capital : rentabilité et profit,
science souveraine, mépris des savoirs pré-existants au capitalisme.
Marx, quant à lui, a réduit la rationalité à celle
du passage obligatoire des sociétés non marchandes au capitalisme
(sauf dans le cas du mode de production asiatique), puis au communisme, lequel
s'approprierait le capital.
La conception selon laquelle l'histoire suivrait un cours nécessaire
irréductible se retrouve au 19ème siècle chez les libéraux
(Spencer), les socialistes industrialistes, les Saint-Simoniens, les positivistes.
Par contre, elle n'est pas celle de Sismondi, de Fourier, de Proudhon, des anarchistes
autour de Bakounine. De plus au 19ème siècle, les premiers anthropologues
se partagent entre les évolutionnistes unilinéaires (l'histoire
doit suivre une voie progressive unique, la voie occidentale) et ceux qui, comme
l'américain Boas, (F.Boas. 1896, Language and Culture, New York, Paperback,
1966) défendent un évolutionnisme multilinéaire, donc l'absence
d'un sens prédéterminé de l'histoire. Ce conflit atteindra
son paroxysme au 20ème siècle avec par exemple Borislav Malinovsky
ou Lévy Strauss qui nieront tout déterminisme historique, opposeront
la diversité à la supériorité, et se rapprocheront
ainsi d'une certaine forme de pensée asiatique. Egalement le mouvement
intellectuel français autour, actuellement, des " Amis de François
Partant " (ou encore " La ligne d'horizon ") brandira le flambeau
de la négation de l'évolutionnisme (négation de la progressivité
de l'histoire et du déterminisme) comme base de sa réflexion.
Le déterminisme historique, vu comme ci-dessus, est donc daté
mais il constitue toujours l'idéologie des nations dominantes. Il est
constitutif du capitalisme et de son arrogance à dominer le monde. Il
a encore un bel avenir.
Et c'est bien là qu'une grande partie de l'uvre de Marx a échoué,
à notre avis. Cette partie n'a pas globalement vocation à émanciper
l'humanité, contrairement à ce que les meilleurs des communistes
avaient imaginé en toute honnêteté
Le déterminisme historique, en tant que " finalisme ", constitue
par là même le support d'une pensée nécessairement
dictatoriale, puisque non seulement la bourgeoisie doit disparaître, ce
dont nous ne nous plaindrions pas, mais également le peuple (entre autres
la paysannerie) au seul profit du prolétariat (en fait au seul profit
de sa direction auto-proclamée :les intellectuels révolutionnaires),
ce qui appelle à la prolétarisation de toute la population, et
en dernière limite au génocide de plus de la moitié de
la population paysanne mondiale, qui ne pourra jamais devenir prolétaire.
Les nations dominantes n'ont pas d'autre programme que celui-là ! La
démocratie au profit du peuple ne fait donc pas partie des perspectives
de Marx. Il s'en justifiera en expliquant que le seul objectif historique que
l'on doit se fixer est la prise du pouvoir par le prolétariat. C'est
dans ce cadre que la perspective du communisme est énoncée, faisant
ainsi perdre à cette utopie son caractère émancipateur.
Ceci ne doit pas faire oublier la magistrale description du capitalisme par
Marx et sa théorie de l'exploitation qui explique encore aujourd'hui,
pourquoi les grandes masses populaires se soulèvent régulièrement
contre ce système inique.
Nous mettrons doncen cause la philosophie de Marx: son déterminisme historique (appelé par certains le "matérialisme historique", dont les termes n'existent pas chez Marx), son "sens de l'histoire", sa conception de la science, sa théorie des forces productives....
Nous mettrons en cause son rejet du peuple.
Lire la rubrique "démocratie", fin de rubrique dans l'analyse de la démocratie
1)Marx et le démocratie
2) Classes révolutionnaires et classes réactionnaires
citation sur le fait que" le peuple fait tourner la roue de l'histoire à l'envers"