(AMC 5-1-2016)
Résumé sur les étapes de la constitution du djihadisme,
et les attentats
Le djihadisme s'est constitué au Moyen Orient. Il y a beaucoup à
écrire sur les étapes historiques de cette constitution dans cette
partie du monde. Ce n'est pas ici notre objet. La résistance arabe palestinienne
en fait partie ; nous la datons à partir de la création d'Israël,
mais cette résistance n'empruntait pas, jusqu'au début des années
80, des termes venus de l'islam. C'était une résistance politique
largement laïque, se réclamant le plus souvent du socialisme. Il
s'agissait selon les résistants d'une lutte révolutionnaire pour
reconquérir la Palestine.
C'est avec la résistance afghane à l'URSS en 1979, qu'on voit
apparaître les mots tels que les résistants combattants moudjahidines,
puis les madrasas, ces écoles coraniques pour enfants défavorisés
au Pakistan ou pour les étudiants religieux talibans, et enfin les djihadistes
du mot djihad, dont le sens premier n'est pas le conflit armé, mais la
résistance, et la lutte spirituelle vers Dieu.
L'Afghanistan, c'est une vieille histoire. Depuis la tentative d'occupation
de ce pays par les anglais à la suite de l'Inde en 1837 (1), les pays
occidentaux colonialistes ne cesseront de vouloir s'en saisir. Les soviétiques
s'y risqueront à leur tour.
Les attentats n'ont jamais cessé depuis la création d'Israël.
Qui pouvait imaginer qu'il en eût été autrement ? Y a-t-il
un peuple au monde qui aimerait être occupé, spolié, ou
détruit, et qui ne riposterait pas ??
Depuis le traité de Lausanne en 1923 qui a préparé la naissance
d'Israël, cela n'a pas cessé en Palestine, puis au Liban à
cause des camps de réfugiés, enfin en Europe : attentats, détournements
d'avion, bombardements, guerres.
Aurions-nous dû nous attendre à un durcissement des rebellions
dans cette région dans la mesure où les pays capitalistes n'ont
cessé d'aggraver leurs pressions sur le Moyen Orient, URSS compris ?
Oui nous aurions dû, si ce n'était l'arrogance et sans doute la
sottise des pays capitalistes.
Depuis le partage de l'Empire Ottoman, ces derniers n'ont cessé d'aspirer
à conquérir l'ensemble du Moyen Orient, et plus loin encore, pour
le pétrole et les matières premières, entraînant
l'URSS à faire la même chose dans le but de sa propre expansion.
Toute la région a été emportée par des conflits
sans fin, nés de cette avidité.
Après avoir armé les résistants afghans contre l'URSS,
caressé dans le sens du poil les apprentis talibans dans leur madrasas,
crée Al-Qaîda comme cellule de la CIA qu'ils pensaient contrôler,
les USA fourniront aux premiers des missiles Stingers , ce qui entraînera
en 1989 le départ des soviétiques d'un pays totalement ruiné,
destructuré, cassé, jonché de mines.
Les djihadistes prendront leur liberté vis-à-vis des USA, essaimeront
dans tout le Moyen Orient d'autant que ceux-ci se lanceront dans une guerre
meurtrière contre l'Irak en 1991, soit deux ans seulement après
le départ des soviétiques de l'Afghanistan. La jonction se fera
alors avec les résistants palestiniens.
Al Qaïda partira ensuite à l'assaut des USA dix ans après..
Les occidentaux (ainsi que les djihadistes les appellent), n'ont apparemment
jamais eu aucune idée de ce que peut signifier une résistance
des peuples, entre autres musulmans, contre la colonisation, qu'elle soit capitaliste,
" socialiste " ou sioniste. Ils n'y croyaient pas. Ils l'ont nommée
" terrorisme ". Ils ont voulu, et veulent encore tout ignorer de la
capacité à s'organiser, contre eux, des peuples très variés
mais unis par exemple par la composante musulmane, dans le refus de l'occupation
étrangère..
Pourtant ils sont la cause de la naissance de cette résistance et de
son développement, et on a le droit de penser qu'on ne pourra jamais
éradiquer les mouvements de résistance et le djihadisme, qu'elle
qu'en soit la nature, par une violence supérieure, ou alors tout à
fait provisoirement. En effet la violence mise en uvre par l'Occident
au Moyen Orient, ou par Israël à Gaza (expérimentation des
armes), semble bien être consubstantielle au colonialisme occidental et
plus précisément à la civilisation capitaliste. Celle-ci
a porté le meurtre de masse à la perfection technique, en suggérant
aux djihadistes soit les mêmes méthodes soit le retour à
des méthodes plus prosaïques, plus spectaculaires dans la cruauté,
mais tout aussi efficaces, surtout lorsque s'y ajoute la nouvelle méthode
des attentats aveugles où les tueurs s'immolent avec leurs victimes innocentes,
au nom formellement d'une vérité supérieure, non plus au
nom de la révolution socialiste ou communiste, mais au nom de Dieu.
Selon nous, le tournant religieux dans la résistance au Moyen orient
date de 1979. En effet, à cette date, deux faits se produisent en même
temps. D'une part la révolte afghane contre les soviétiques, d'autre
part la confiscation de la révolution populaire iranienne par les religieux
chiites, qui s'en emparent avec succès. Malgré la terrible guerre
que les USA et Israël susciteront entre l'Irak et l'Iran, armant l'un et
l'autre pays, il n'en demeurera pas moins que, face à l'échec
des révoltes palestiniennes, l'Iran représentera la réussite
d'une révolution passée sous l'étendard religieux contre
l'étendard socialiste et laïc qui avait abouti à l'impasse.
Un livre récent, sur l'histoire du " jihad islamique palestinien
" (à Gaza), d'obédience sunnite, souligne comment la révolution
iranienne chiite a réorienté tout le mouvement palestinien antisioniste
et lui a fait abandonner la plupart de ses références marxistes,
sauf la notion de " parti d'avant-garde " (!!), pour unir la résistance
politique et l'islam dans le combat à venir (De la théologie à
la libération ? Avec la préface d'Olivier Roy. La Découverte
2014), et l'espoir que cela a suscité.
Les djihadistes du Moyen Orient ne cesseront dès lors de tenter de constituer
des organisations diverses, en référence avec l'islam, avec des
stratégies concurrentes, pour résister à la fois à
Israël et aux puissances occidentales occupantes. Mais depuis le début
des années 80, les tueurs commencent à se faire sauter avec des
ceintures d'explosifs, dans des attentats suicides, au Liban puis en Palestine
et dans tout le Moyen Orient. Ces attentats sont le reflet d'une impasse politique.
Il y a un paradoxe entre l'espoir religieux d'une part, et l'attentat suicide
d'autre part.
L'attentat suicide ne peut qu'évoquer un désespoir certain, non
assuré qu'il est d'aboutir à un résultat positif par cette
méthode. Désespoir qui peut également se faire l'écho,
dans le cas des palestiniens, d'un désaccord sur le principe même
de l'existence d'Israël. Il est à souligner en effet le peu d'indépendance
des djihadistes vis-à-vis des Etats qui les financent, lesquels ont flirté
ou flirtent avec les Etat occidentaux, et n'ont que des intérêts
d'Etat et non des intérêts en vue de la libération des peuples.
L'écueil majeur de ces mouvements, c'est finalement cela. Déjà,
avant l'effondrement de l'URSS, celle-ci prétendait à tort que
la lutte des classes passait entre les Etats du Moyen Orient. Les mouvements
de résistance subissaient en conséquence les inconstances et les
trahisons des politiques d'Etat. Cela a contribué à rendre peu
lisibles l'attitude les chefs de résistance et à les séparer
souvent gravement des intérêts des peuples. A terme cela a donné
une importance primordiale aux désirs de pouvoir des chefs contre ce
qui était nécessaire aux peuples. De ce fait toutes les tactiques
de division entre les sunnites et les chiites, savamment orchestrées
par les USA, et son promoteur, la GB, ont fort bien marché. Des divergences
quant à la succession du prophète ont été transformées
en motifs de se tuer, sous l'effet originel de la collaboration ou non avec
les USA
.
Les stratégies politiques des djihadistes se sont peu à peu totalement
séparées de ce que voulaient les peuples, ne donnant à
ces derniers aucun organe d'expression démocratique. Elles ont récusé
et récusent la démocratie occidentale au motif que l'Occident
a détruit le Moyen Orient, entre autre l'Irak en 2003, au nom de cette
démocratie. Mais que proposent ces djihadistes dans leur majorité,
si ce n'est finalement le modèle dictatoriale de l'Iran ou le modèle
de gouvernement de l'Arabie Saoudite ? Ce dernier constituant un Etat policier
de type fasciste, ravagé par la corruption, la finance, la marchandisation
capitaliste, et caractérisé par ses méthodes barbares de
" justice ".
Evoquons quelques attentats avant d'en venir à la caractérisation
possible de Daech.
L'un des premiers attentats en France date de 1982 contre des juifs (2). Puis
pèle- mêle en France et ailleurs: L'attentat aux USA de 2001 avec
ses plus de 2000 morts ; Casablanca en 2003, 45 morts ; Madrid 2004 , 191 morts;
Londres juillet 2005, 90 morts
. Il y a deux ans à Toulouse en France,
7 morts dans un attentat du fait de Merah. Cette année 2015, attentat
à Paris contre les journalistes de Charlie et un magasin juif , une vingtaine
de morts. En Tunisie, plus d'une vingtaine de morts sur des plages et au Musée
Bardo le 25-11. Attentat contre un avion russe le 31-10, 200 morts. En Turquie,
avant une marche de l'opposition contre Erdogan en octobre, 100 morts (services
de sécurité turc ou Daech ??). Et enfin novembre 2013 à
Paris, 130 morts..
Ces attentats font tous le jeu d'un durcissement des
mesures sécuritaires en faveur d'un Etat policier, et contre
les libertés individuelles. Ces attentats visent tous la démocratie
" occidentale ". Est-ce bien cela qui est voulu ? Il semble que oui.
Au profit de Marine Le Pen ? Dès lors les objectifs premiers de la résistance
des peuples au Moyen Orient ont été caviardés, dénaturés.
Pour se libérer, ces peuples ne peuvent pas vouloir tuer toute démocratie
en Occident. Par contre leurs Etats, les directions qui les représentent,
oui, elles peuvent le vouloir.
Qui sont les chefs de Daech, que veulent-ils ? Sont-ils des fascistes ?
Spontanément beaucoup de journalistes, écrivains, organes politiques
ont caractérisé Daech de fasciste. Cependant ce qualificatif mérite
d'être analysé, justifié ou contredit. En tous cas explicité.
Il est intéressant de recourir à l'entretien que le psychanalyste
Roland Gori a accordé au Monde le 2 janvier 2016 sur le fascisme, en
se référant à Hanna Arendt..
L'essence d'un gouvernement fasciste, c'est la terreur, dit-il. C'est l'effacement
de la pitié, de la compassion, et l'éloge de la cruauté.
Avec des méthodes d'embrigadement des populations et des exécutants,
empruntées à la mafia. Ceci n'est rendu possible, dit-il, que
parce que d'une part le déracinement, la précarité sociale,
le chômage poussent des individus à se précipiter dans les
bras d'un appareil politique qui va se charger de leur capacité de penser,
de décider, de vivre. Mais d'autre part, cela est rendu possible parce
que l'ordre néolibéral a atomisé, désorienté
les individus, en les jetant dans la souffrance et la solitude, et a ainsi supprimé
pour l'avenir toute alternative humaniste, progressiste. De ce fait ces
derniers peuvent devenir la proie d'une conception " théofasciste
" du monde. Il précise que " le déclin des mouvements
socialistes et communistes offrent au salafisme politique des opportunités
révolutionnaires conservatrices ". Alain Badiou dit à sa
façon " Notre mal vient de l'échec historique du communisme..
" (conférence du 23-11-15 " Penser les meurtres de masse du
13 novembre ") et caractérise ces attentats de " nihilisme
meurtrier ".
Roland Gari va ajouter que le système technicien et marchand pense
et gouverne à notre place. Ce serait la version moderne d'un système
qui pense à la place des individus. On peut se demander avec lui si la
robotisation générale (au nom de la libération de l'homme
!) à " l'ère du numérique " participe à
cela ?
On objectera à ce raisonnement que le fascisme dans la deuxième
guerre mondiale n'était pas d'essence religieuse. Et on peut vouloir
distinguer le fascisme du fanatisme religieux. La discussion reste ouverte.
L'Allemagne nazie était athée, mais l'Espagne franquiste était
catholique, comme le Portugal de Salazar, et avait réalisé l'unité
entre l'Etat fasciste et l'église.
Qu'en est-il de Daech ?
DAECH ou Etat dit islamique a été constitué d'une part
par des éléments venus d'Al Qaïda, puis en rupture stratégique
avec cette dernière, d'autre part par des officiers irakiens du Baas
dont le corps d'armée a été détruit par les USA,
enfin par des frères musulmans et des salafistes des prisons de Assad,
mis en liberté et armés par ce dernier afin de pénétrer
dans l'opposition syrienne non violente et de la perdre.
Cet ensemble, apparemment hétéroclite, s'est rattaché à
la pensée salafiste violente et au penseur syrien Abou Moussad Al-Souri.
Celui-ci, en tant que Frère musulman, a écrit " Appel à
la résistance islamique globale " (1600 p), en 2004 semble-t-il.
Cela n'a pas été traduit. Et c'est bien dommage car on n'en saurait
un peu plus sur ce type de pensée. Entre autres on connaîtrait
le degré de religiosité d'Al Souri. Ce dernier était un
ingénieur en mécanique qui a fui la Syrie au moment de la révolte
de Hama d'avril 1982, où les Frères étaient fortement impliqués.
Le gouvernement syrien avait alors massacré la population. Al Siri voyagea
ensuite beaucoup et fut finalement arrêté par les services pakistanais,
remis aux USA puis à la Syrie fin 2005. Il préconisait dans son
écrit, un travail de sape en petites cellules disséminées,
ce qui va effectivement se produire ; et l'indépendance financière
vis-à-vis de l'extérieur.
Abou Bakr al-Baghdadi, s'est proclamé Calife, contre la tradition qui
préconise une investiture après délibération collective.
Mais il applique la théorie d'Al Siri de la prise du pouvoir dans des
régions à " libérer ", sans dépendre de
l'extérieur pour se financer, et y ajoute le retour au califat. Le principe
est de se saisir du pétrole pour se financer.
Al- Siri était également admirateur des talibans et de leur modèle
de société. La terreur se justifiait selon lui pour contraindre
et soumettre la population.
Ces penseurs djihadistes combattent ce qu'ils estiment être le principe
fondateur de l'Occident, à savoir la démocratie, c'est-à-dire,
selon eux, le parlementarisme, la séparation des pouvoirs, l'égalité
des hommes et des femmes, la laïcité, les droits de l'homme, et
toute la culture qui semble aller avec, la musique, la peinture, la danse, le
sport
. Ce n'est pas sans rappeler l'idéologie la plus dure de certains
maoïstes qui préconisaient la destruction de la culture " bourgeoise
".
Le rejet de la démocratie, du parlementarisme, est le discours d'extrême
droite de la France, par exemple de Maurras, surtout si l'on y ajoute l'antisémitisme
qu'on retrouve chez les talibans, affirmé avec virulence. Cependant Maurras
était contre Hitler.
Mais il y a en plus l'objectif, selon Daech, de reconstruire le Califat détruit
par les occidentaux, et Ataturk conjointement, dans l'Empire Ottoman après
la première guerre mondiale. Cet objectif est à l'usage des musulmans.
Car ce califat de l'empire ottoman n'était déjà plus que
l'ombre de lui-même, dans un pays bien désagrégé
par l'Occident
En fait Daech fait référence à un
Califat imaginaire, cher au cur de certains musulmans. C'est la position
que défend l'historien Nabile Mouline. Cette forme de gouvernement ancien,
dit-il, " est souvent associée à l'idée d'un âge
d'or de l'islam, le paradis perdu de l'unité et de la puissance de la
communauté des croyants dont l'organisation annoncerait ainsi le retour.
Un messianisme emblématique de la crise qui traverse le monde arabo-musulman
" (Entretien avec Cédric BAYLOCQ 30 septembre 2014)
Ce serait en quelque sorte faire référence à une idée
" nationaliste musulmane" dans la mesure où, selon les penseurs
djihadistes de Daech, qui veulent rallier les musulmans à eux, c'est
à dire la seule forme de gouvernement pour les populations du Moyen Orient,
et les musulmans en général. Ce ne pourrait être que ce
Califat mythique, par opposition à la démocratie occidentale.
On notera que les penseurs djihadistes ne font pas la moindre critique du capitalisme
occidental, ils parlent de " l'Occident ", et lui attribuent la démocratie
telle qu'elle fonctionne aujourd'hui, en ignorant que sa conquête fut
le fruit d'un combat populaire. Et ils feignent de croire que les pays occidentaux,
conquérants du Moyen Orient, voulaient appliquer la démocratie
à ce dernier. C'est inexact. Autant la France que la GB, ces derniers
se sont efforcés de n'appliquer que le communautarisme aux pays conquis
et n'ont construit aucun Etat démocratique, aucun service public centralisé,
capables de transcender les oppositions religieuses. Ils vont d'ailleurs transformer
ces dernières en oppositions ethniques.
Ce retour à un messianisme nationaliste (l'âge d'or de l'islam)
qui justifie ainsi l'élimination de tout ce qui n'est pas sunnite, en
vue de constituer, par la pire des violences, un Etat dépourvu de culture,
fait penser à l'image renversé d'un fascisme occidental chrétien,
tous deux plus proches d'une culture de mort que d'une conquête raisonnée
d'un territoire pour y exercer un pouvoir durable et stable. C'est du moins
le discours entendu qui suggère cela.
La violence employée contre les populations chrétiennes et chiites
semble être le miroir de la décomposition des sociétés
occidentales. En effet l'assassinat ciblé par les drones, avec ses dégâts
collatéraux, n'a rien de très différent de la violence
de la mise à mort par le sabre. Mise à mort d'ailleurs pratiquée
par l'Arabie Saoudite, que la France et les USA aiment tant, le 2 janvier 2016
: 47 condamnés exécutés par le sabre dont un éminent
chiite.
Ces penseurs et guerriers djihadistes sont-ils des fascistes ? Ont-ils franchi
le seuil entre l'extrême droite et le fascisme, en se rappelant tout de
même que Maurras était pour combattre Hitler.
Le pseudo Etat Islamique est-il un Etat fasciste ?
" L'Etat islamique " ou Daech, ne naît pas de rien. Il a été
précédé par le régime des talibans en Afghanistan
de 1996 à 2001 qui se voulait être un Emirat musulman sunnite.
Les talibans ont été vaincus mais non détruits, ils ont
été refoulés dans les montagnes et remplacés par
un Président fantoche et corrompu mis en place par les USA. Les talibans
sont en passe aujourd'hui de reconquérir l'Afghanistan à la grande
terreur des populations des villes surtout.
Un article de Joseph Dauce dans Mundeo février 2015 dit qu'au maximum
il s'agit d'un " Etat " mafieux ". Mafieux ne caractérise
pas la situation, à notre avis.
Certains sont tentés de voir dans le Califat, (puisque que Baghdadi s'est
auto proclamé Calife) le désir de résurgence d'une nation
musulmane spoliée par les pays occidentaux et la SDN en 1923. C'est à
partir de là que s'est préparé la naissance de l'Etat d'Israël,
comme gendarme occidental, au sein du Moyen Orient. Contre lequel échouera
l'indépendance de la Palestine.
Mais que signifie plus précisément le Califat de l'époque
de Médine au VIIIème siècle après JC ? Cette référence
"romantique" à un passé musulman pourtant traversé
de luttes tribales pour la succession du Prophète, est mise en avant
aussi bien par Daech que par les talibans.
Le Calife est théoriquement le représentant investi par une délibération
collective. En fait, il était coopté et fut dans l'histoire l'objet
de discriminations entre tribus. Mais une théorie politique du Califat
se constitua au fil du temps, accréditant l'idée que de l'union
entre la politique et la religion, devait naître le meilleur gouvernement
possible.
Cet idéal, projeté dans le monde d'aujourd'hui, dans un Etat théocratique,
peut côtoyer l'épuration religieuse, et préconiser la marginalisation
des minorités religieuses.
Daech justifie aujourd'hui les massacres des chiites, des chrétiens yézidis
et autres, au nom du Califat.
Cette référence à un passé d'âge d'or ne
concerne évidemment, en plus, que les hommes. Tout modèle de société
qui se réfère à des sociétés antérieures,
dans n'importe quel type d'idéologie, ne peut concerner que les hommes,
jamais les femmes. Par définition un passé d'âge d'or est
infiniment réactionnaire.
C'est, sans le dire, l'exaltation des valeurs masculines vues par les hommes
et le rejet de l'homosexualité. C'était le cas chez les talibans
qui écrasaient sous des murs les homosexuels. C'est le cas de tous les
régimes politiques actuels des Etats du Moyen Orient, donc c'est l'exaltation
du statu quo.
Cela permet de justifier que la féminité des femmes doit les confiner
dans les cuisines et vers la seule maternité. C'est refuser l'égalité
hommes/femmes.
Le retour au Califat aujourd'hui, c'est la justification de l'institution du
seul pouvoir des hommes.
Il s'ensuit un militarisme violent, la célébration de la guerre,
de la tradition, le culte des chefs, des uniformes, l'exaltation de l'ordre,
la négation des droits et les libertés fondamentales des individus,
la réclusion des femmes
tout cela a un goût de déjà
vu, et s'apparente à l'Etat fasciste.
La religion est utilisée comme un outil de manipulation politique. L'État
fasciste était déjà politiquement plus habile à
cet égard que le communisme. Il a tissé ensemble la religion et
l'étatisme dans une seule toile.
Il est important de revenir à la relégation des femmes. Sous les
talibans, les femmes étaient exclues du marché de l'emploi. Elles
devaient être entièrement couvertes par le vêtement traditionnel,
le tchadri, et ne pouvaient quitter leur maison qu'accompagnées de leur
mari ou d'un parent proche. (Le tchadri est une sorte de tente plissée
et opaque, sur laquelle est découpée une grille brodée
à la hauteur des yeux). Elles étaient donc quasiment séquestrées.
Mariées de force, battues, sans aucun droit. L'adultère était
puni par la lapidation qui ne figure pas dans le Coran mais dans les Hadiths.
A ce niveau, les hommes comme les femmes subissaient la lapidation en cas d'adultère.
La seule loi, selon les talibans, venait de la charia, mais interprétée
selon les Hadiths, avec des punitions corporelles issues d'une période
antérieure à la bible (6ème siècle avant JC)
Cette société est contre toute culture, toute création,
toute réflexion, l'individu y est statufié. Selon Wikipedia :
" Les cours de sports et d'art furent éliminés des programmes
scolaires. Les talibans brûlaient les instruments de musique et les cassettes,
frappaient et emprisonnaient les musiciens, interdisaient la danse. La boxe,
comme beaucoup d'autres sports, était prohibée. Certains jeux
basiques, comme les échecs ou le billard était également
prohibés. Chaque jour, la radio des talibans énumérait
de nouveaux interdits : peindre en blanc les vitres des maisons pour ne pas
voir les femmes à l'intérieur, expéditions punitives pour
casser les téléviseurs, magnétoscopes, déchirer
les photographies de famille. Les autorités faisaient également
vérifier que l'on n'écoutait pas de musique dans les maisons ou
au cours des mariages. Les systèmes médicaux et scolaires furent
dédoublés en fonction du genre, tout en donnant la priorité
aux hommes. Toute représentation humaine était illégale,
même pour les poupées des petites filles. Au nom de l'iconoclasme,
les talibans dynamitèrent les statues de bouddhas géants de Bamiyan,
vieilles de quinze siècles. Ils détruisirent, dans les collections
archéologiques du musée national afghan de Kaboul, tout ce qui
portait des représentations humaines ou animales et firent des autodafés
des 55 000 livres rares de la plus vieille fondation Afghane et détruisirent
plusieurs autres bibliothèques publiques et privées ".
C'est une société où la terreur est instituée comme
mode de fonctionnement. En outre elle est nécessairement corporatiste,
puisque c'est la religion, interprétée par les chefs, qui dirige
l'ensemble des relations sociales. Et elle est antisémite.
Mais si elle est anti-occidentale, elle n'est pas anti-capitaliste. Les
talibans n'ont pas suggéré de revenir à des productions
non productivistes. Les combattants moujahidines afghans ont vaincu les soviétiques
grâces aux missiles Stingers des USA. Les djihadistes actuels aiment les
armes sophistiquées de l'ennemi et s'y adaptent. Idem pour le matériel
informatique et la téléphonie.
Les chefs djihadistes se rêvent comme des capitalistes puissants et riches.
De ce point de vue, leur discours religieux n'est finalement qu'un déguisement,
comme le recours à des modèles anciens. Il est concrètement
à la seule destination des masses populaires soumises à leurs
objectifs, et aux exécutants de leurs basses uvres. Ces chefs ont
de qui tenir. Les chefs " révolutionnaires " des pays communistes
se sont servis de la théorie marxiste pour conquérir et garder
le pouvoir, en instituant partout des régimes despotiques où les
chefs hommrs avaient tous les privilèges.
La question des attentats suicides pose actuellement problème. L'Instinct
de mort y est bien à l'uvre chez les individus fascinés
par ce type de meurtre. Et cela ne concerne pas que de jeunes arabes musulmans
entre 20 et 30 ans comme certains le disent. En France, ont appelé à
l'aide l'UCLAT (Unité de coordination de la lutte anti -terroriste) 847
familles non musulmanes en 2015 (Le Monde du 30-12-15). Cela touche une génération
de jeunes sensibles à aux actes mortifères, dans une société
qui a perdu tout sens éthique.
En définitive, oui, le comportement comme la philosophie de Daech sont
bien d'essence fasciste. Mais il serait urgent de comprendre, qu'à l'instar
des talibans, l'Arabie Saoudite est son premier modèle.
Les références socialistes ont totalement disparu des discours,
des stratégies, des perspectives de ceux qui disent vouloir la libération
des peuples du Moyen Orient. De toute façon les peuples n'ont plus
droit à la parole.
Vaincre Daech, c'est redonner un espace à cette parole. Comment ? Qui
le fera ? Certainement pas ceux qui ont supprimé cette parole.
Vaincre Daech c'est exiger, au titre d'un minimum de salubrité morale
et politique, la fin des relations de la France et des USA avec l'Arabie Saoudite,
en premier lieu, mais de bien d'autres. (fin bien improbable en raison du juteux
marché des armes). Le reste relève d'un vain bavardage et du mensonge.
(1)Les afghans très au courant des menées colonialistes de la
GB en Inde riposteront à l'agressivité de la GB avec une rare
cruauté dès que celle-ci voudra pénétrer en Afghanistan.
De là naîtra la théorie raciste anglaise sur la sauvagerie
des musulmans (William Johnson : Tom Graham VC, histoire de la guerre afghane.
1900). L'auteur invente que les afghans ont simplement pour but de tuer les
hérétiques (et non pas de défendre leur pays) et de les
découper en morceaux, pour trouver leur bonheur au paradis.
(2)Rue des Rosiers. Toujours en procédure, avec des demandes d'extradition
de palestiniens d'Abou Nidal
(cette situation dépasse la question religieuse, ce qu'on sait depuis
longtemps, mais également l'analyse simple en termes de classes. On trouve
des bourgeoisies féodales dominantes qui n'ont pas les mêmes intérêts,
des chefs de guerre nationalistes de la pire espèce qui s'opposent entre
eux pour des questions de territoires et de richesses, et des peuples spoliés.)
Il manque à cette analyse une présentation des accords Sykes-Picot de 1916 lesquels ont engendré le démembrement de l'Empire Ottoman, ce sera bientôt chose faite
(texte qui est sans arrêt corrigé) AMC le 24-6-15. revisitée le 24-7-15.
Il ne faut plus se voiler la face. DAECH, sur la base des territoires conquis, pourrait être sur le point de devenir un Etat à part entière, qui peut absorber toute la Syrie (qui ne contrôle plus que le tiers du territoire), campe déjà sur une grande partie de l'Irak, regarde du côté de l'Afghanistan, de la libye. Si c'est cela qui se profile, ce sera un Etat ni plus ni moins pire que l'Irak de Saddam Hussein, que la Syrie, ou l'Arabie Saoudite, ou l'Erythrée, ou même Israël, du point de vue des exactions imposées soit à toutes les populations soit à certaines populations.
Le 20-6-15, deux villes clefs ont été reprises par les kurdes contre les forces de Daech avec l'aide de la coalition internationale. Nous n'avons pas les moyens d'apprécier si cela peut changer le cours des choses, les kurdes constituant une donnée particulière, et les forces de la coalition constituant des capacités de dévastation considérables pour peu de résultats Le 25-6, Daech semblait reprendre le contrôle de Kobané grâce à la Turquie ce qui n'a pas été.
Même s'il a existé, et s'il existe encore, une réelle volonté de résistance de gauche ou simplement démocratique, aussi bien contre Assad en Syrie, que contre Daech, cette résistance est laminée, ou trop faible à l'heure qu'il est, la preuve en est, son alliance avec des mouvements islamistes divers comme " Al Nostra " pour combattre l'armée d'Assad ; et les populations ont été trop martyrisées, pour qu'on puisse s'attendre à un retournement de situation miraculeux, pour un renouveau démocratique, dans les mois qui viennent. Sauf sauf si les kurdes d'Irak et de Turquie pouvaient faire face aux mouvements les plus importants dans la région qui sont " Al Nostra ", les milices chiites armées par Téhéran et Daech, les deux derniers ayant une aussi sinistre réputation. Mais c'est la Turquie qui fait opposition à cette possibilité. Car tout renouveau démocratique dû aux kurdes est jugé comme un amoindrissement du pouvoir de Erdogan en Turquie. N'importe quel prétexte sera bon pour recommencer la guerre contre les kurdes au mépris de l'avancée de Daech, mieux prisé par la Turquie.
Certes fin mai 2015, une région libérée de la Syrie, et non prise par Daech, à Idlib au nord- ouest de la Syrie, est gérée par une alliance de 7 brigades islamistes anti-ASSAD, dont Al Nostra, qui se réclament pour l'instant d'une certaine démocratie et d'un certain pluralisme (voire par la suite ). Cette gestion veut être présentée comme un modèle de renouveau. Mais les chrétiens en auraient été exclus.. Tout ceci est à voir de plus près (Le Monde du 19 mai 2015). Cette région semble avoir été mitraillée par Assad en août.
A l'évidence, et contre le sectarisme occidental, il y a toutes sortes d'islamismes sous une qualification unique.
De plus, le moins qu'on puisse dire est que les forces démocratiques
à l'échelle internationale ont été presque totalement
absentes, grâce à leurs pseudo organisations de gauche entre autres,
et cela depuis au moins 20 ans, dans le soutien à apporter aux peuples
muselés et maltraités du Moyen Orient, sauf quelques groupes d'extrême
gauche et de gauche syrien. Faut-il penser que c'est en raison de la religion
musulmane que ce soutien n'a pas été apporté ? Si cela
était, bravo Bush ! Opération réussie !
Cette quasi absence d'une riposte démocratique a permis la politique dévastatrice de Assad en Syrie avec l'aide de Poutine, et des USA en Irak en 2003, appuyés par des pays occidentaux (sauf la France, grâce à Chirac il faut le dire). Mais déjà en 1991 la GB et d'autres pays occidentaux, appuyaient une première intervention des USA. Le reste s'en est suivi.
Le soutien inconditionnel des USA à Maliki (milices chiites très
détestées) en Irak , avant qu'ils n'imposent bien tardivement
Abadi plus souple vis-à-vis des sunnites, mais frileux, leur refus de
soutenir politiquement les insurgés syriens majoritairement sunnites
mais également chiites en 2011, leur refus de répondre à
leur demande d'armement contre les exactions d'un pouvoir criminel alaouite,
leur aide très faible apportée aux kurdes anti-Assad, enfin leur
refus d'exiger le départ de Poutine de la Syrie
Tout cela
a abouti à une situation catastrophique, avec la complicité des
Etats européens. Une grande partie des sunnites s'est jetée dans
les bras de Daech à cause de l'attitude des chiites d'Irak.
Il est évident que derrière ces oppositions chiites/sunnites,
il y a des politiques d'Etat qui favorisent les divisions : la Syrie comme l'Iran
ont armé le Hezbollah chiite. La Syrie s'en est pris longtemps aux sunnites
du Liban en vue de dominer ce pays. Aujourd'hui c'est le chaos au Liban. Il
n'y a plus de Président depuis un an, et la société semble
brisée.
Saddam Hussein gouvernait en Irak avec des sunnites minoritaires dans le pays contre la majorité de la population chiite etc.. Tout a été fait en amont pour attiser les conflits dits interconfessionnels, en réalité entre clans politiques, entre morceaux d'Etat proches de tel ou tel clan politique, exactement comme cela a été fait par les belges dans l'ex Congo belge, pour opposer tutsis et hutus entre eux. Ou comme cela a été fait par les anglais qui ont attisé en Inde les querelles entre musulmans et hindous, et ont cultivé en Palestine les oppositions entre palestiniens et juifs, exactement comme l'URSS avant la seconde guerre mondiale. La Grande Bretagne, la Belgique et la France ont fait de ces divisions la base de leur domination coloniale.
Les chrétiens ont été perçus alternativement comme
des soutiens du pouvoir en place, comme en Syrie, donc pro- Assad, ou bien comme
des alliés objectifs des israéliens pour une partie d'entre eux
au Liban, ou bien des alliés des occidentaux en Irak ou ailleurs. Ils
furent persécutés partout, de ce fait, dès que l'équilibre
social était mis en question.
Aujourd'hui la Syrie peut donc être en voie de disparaître au profit
de Daech (Assad ne contrôle plus qu'un quart du territoire en juillet
2015), ainsi que l'Irak à terme. C'est une situation inédite qui
met en cause l'ordre politique établi après la seconde guerre
mondiale par les pays capitalistes dominants. Daech occupe donc une grande partie
du territoire syrien jusqu'aux portes de Damas, et la moitié de l'Irak,
de Mossoul aux portes de Bagdad
Ceci malgré les bombardements US
qui ont fait plus de 4000 morts, et la victoire à Kobané en Syrie,
grâce surtout aux kurdes.
Avec la prise dramatique de Ramadi le 17 mai en Irak par Daech malgré
l'alliance des sunnites irakiens et des milices chiites, et pire encore de Palmyre
le 20 mai 2015 en Syrie, il est apparu clairement que la coalition internationale
(1) contre Daech était en situation d'échec, malgré les
mensonges déversés sur la situation par les USA, et malgré
leurs 3900 raids aériens et bombardements. Cela a été reconnu
le 2 juin
. Mais depuis, les USA semblent avoir aidé les kurdes
à repouser Daech de façon assez décisive.
La situation était si grave que le 7 juin, la coalition intervient dans le nord d'Alep en Syrie pour soutenir des insurgés, dont Al Nostra, contre Daech. La coalition perd la tête et se déconsidère à jamais
Daech a, de plus, établi son contrôle sur des puits pétroliers
et de gaz, des barrages, des rivières (c'est-à-dire l'eau) et
sur des banques.
Il a astucieusement détruit l'horrible prison de Assad à Palmyre,
libéré les prisonniers, mais tué des pro-Assad de façon
cruelle. Cependant il n'a pas encore touché, à ce jour, au site
archéologique de Palmyre. Mais il vient de le miner pour tenter d'éviter
des bombardements. Il ne se prépare donc pas à détruire
ce site lui-même. Par contre il a détruit des églises chrétiennes
et a déplace des populations chrétiennes en juillet.
L'Arabie Saoudite qui ne veut pas laisser le monopole de la lutte contre les
chiites à Daech, s'est entre temps décidé à attaquer
les Houttistes, dits pro chiites, au Yémen, aidée en cela par
les USA et des pays arabes. Les bombardements faits au hasard et de façon
non réfléchie, ont gravement endommagé des sites historiques
: un barrage du VIème siècle, le Musée de Dhamar, une forteresse
médiévale d'Al Qahira, le palais Wadi Dhar
. ( Le Monde du
12-6-15). Ces destructions, dont les responsables sont l'Arabie et la coalition
internationale derrière les USA (Le monde du 22-7-15), sont précisées
fin juillet 2015, sans que personne ne crie au scandale comme ce fut le cas
en Afghanistan, contre les talibans, ou à Tombouctou, contre Al Qaïda....
Reprocherait-on à Daech de faire en Syrie ce que l'Arabie et les
USA font au Yémen ?
Qui sont les barbares ? Les talibans ? Les islamistes ? Assad ? Daech ? L'arabie
? les USA ? Ne doivent-ils pas être tous ravalés au même
rang ?
Les USA se sont fait justice en tuant le 16 juin, au Yémen avec un drone,
un chef d'Al Qaïda, Al Wahishi, selon leurs bonnes habitudes, avec le soutien
français à Djibouti, puisque l'aviation US y stationne. Ne faut-il
pas juger des chefs de guerre si nécessaire ? Ou faut-il les assassiner
? Se faire justice soi-même est-il conforme au message démocratique
que l'Occident prétend apporter ?
Les criminels sont dans tous les camps. Les tueries abominables de Daech contre
les chiites et les chrétiens, les exactions des chiites (les forces de
la Mobilisation Populaire) contre les sunnites, n'ont rien à envier à
celles de la Syrie contre les opposants (tortures à mort dans les prisons),
et des USA à Faliouja contre les sunnites pendant la guerre de 2003 (assassinats
à l'arme blanche après largage de bombes au phosphore, entre autres)
..
Il conviendrait sans doute de prendre la mesure de ce qui se passe et de cesser
de ne voir au Moyen Orient qu'un problème religieux alors qu'il s'agit
à l'évidence d'un problème de pouvoir et d'influence politique
d'une part entre Etats majoritairement constitués par les occidentaux
au lendemain de la seconde guerre mondiale, et d'autre part avec des morceaux
d'Etats animés par des chefs de guerre nationalistes, après la
destruction totale de l'Etat irakien en 2003 par les USA. Ceci dans une situation
où les forces occidentales ne veulent rien perdre de leurs prérogatives
sur les questions énergétiques.
Ces combats autour du pouvoir sont à caractère essentiellement
nationaliste, et ils sont rendues possibles par l'absence d'institutions étatiques
pouvant répondre de façon égalitaire aux besoins les plus
élémentaires des populations, quelles qu'elles soient, dans le
domaine de l'accès à la nourriture, à la santé,
à l'éducation, à l'eau, à l'emploi dans la production
de ce qui est utile
. Les clans s'affrontent alors pour le contrôle
de la production encore existante, ou simplement pour leur propre compte dans
des pays dévastés. " Capital " a diffusé un documentaire
le 14-6-15 montrant que l'Etat islamique n'est pas composé de barbares
fous mais d'administrateurs despotiques, et fonctionne comme un Etat avec une
administration, des fonctionnaires, une organisation économique, fiscale,
judiciaire exactement comme un Etat constitué. L'enquête faite
par le journal allemand " der Spiegel " en avril confirme bien, si
besoin était, les capacités organisationnelles des dirigeants
de Daech qui n'ont du fanatisme religieux que la façade, comme moyen
de soumission.
La question de l'affrontement en termes de classes est largement effacée,
ou mise à l'arrière-plan, derrière celui des clans pour
leur survie, ou d'Etats manipulant des clans, en pratiquant massivement la terreur
contre les clans dits ennemis.
Les kurdes n'entrent pas de la même façon dans ce type d'analyse,
bien que leur objectif soit la reconnaissance d'un Etat comme promis après
la première guerre mondiale. Mais ils sont très différents
selon qu'ils soient en Turquie, en Syrie ou en Irak. Ils interviennent dans
ce conflit pour des motifs qui leur sont propres. Ceux de Turquie et d'Irak
mettent en valeur la démocratie, l'alliance des communautés entre
elles et non leur exclusion, et la réalise pour l'instant. Ils mettent
en avant les femmes et leur égalité aux hommes. Et luttent contre
Assad et contre Daech. Mais leur pire ennemi est devenu clairement la Turquie
en juillet et août quand Erdogan a attribué sa défaite relative
au parlement aux kurdes démocrates du PKK de Turquie. Erdogan n'a pas
hésité à bombarder les kurdes combattant Daech sous les
yeux de ce dernier... Les kurdes se sont vengés...hélas. Mais,
surprise, Daech a attaqué également la Turquie pour des raisons
mal définies.
Le résultat est que les avions turcs tirent sur les kurdes qui comabttent Daech. (Le Monde du 11-8-15)
Assad pourrait donc tomber malgré le soutien opiniâtre de l'Iran
et du Hezbollah libanais. Se prémunir contre des attaques possibles d'Israël
constitue la raison essentielle du soutien de l'Iran à la Syrie.
En cas de chute d'Assad, il faudra alors compter avec des groupes d'islamistes,
des insurgés laïcs, les kurdes à ce moment-là. Que
feront les occidentaux ?
Daech a également tenté une percée vers l'Afghanistan,
un groupe d'islamistes ayant fait alliance avec lui. Mais le mollah Mansour,
à la tête des talibans, a prié Daech de se retirer, devant
leurs actes terroristes jugés "horribles". .. (Le monde du
21-8-15)
Revenons à la nature profonde de Daech. Rappelons que sous couvert de
donner du pouvoir aux chiites, minoritaires, les USA ont chassé en 2003
les sunnites de l'Etat irakien, en faisant disparaître toute institution
d'Etat, et en ouvrant grand la porte au chaos, aux attentats... comme pour justifier
plus tard la chasse aux terroristes.
L'ancienne armée irakienne sunnite, recomposée pour partie, constitue
aujourd'hui l'ossature de Daech. C'est ce qu'a révélé l'enquête
de Der Spiegel d'avril 2015. Ce ne sont pas des islamistes radicaux qui sont
à l'origine de l'EI (Etat islamique), mais un petit groupe d'officiers
irakiens, l'élite de la police d'État constituée par Saddam
Hussein quand il était encore au pouvoir. Le penseur de Daech aurait
été de son nom de guerre, Haji Bakr, tué en janvier 2014
par des rebelles syriens, qui auraient cherché en vain un Coran dans
sa maison.
Si ce dernier recrute massivement des djihadistes fanatiques par opportunisme,
pour les lancer dans des opérations suicidaires, ses origines se trouvent
dans le parti baas ,
dit "socialiste " à l'origine
pour asseoir un pouvoir despotique en Irak. Daech serait avant tout la revanche
des nationalistes irakiens contre les USA. Mais il s'appuie sur le désespoir
des populations spoliées. Et là git un grand danger.
Un discours du juillet 2015 du dirigeant conservateur Cameron de GB donne la mesure des dangers, en indiquant très justement que l'EI (DAECH) prétend répondre à des guerres injustes et à la pauvreté, et recrute des combattants sur cette base en Europe. Cameron reconnait qu'il est dur d'être musulman ou noir en GB (!)....mais que tout le monde a néanmoins sa place au Royaume Uni...(le Monde du 22-7-15)
Oui Daech recrute sur la base de nos turpitudes d'occidentaux, il serait temps d'en prendre la mesure
L'échec total des diverses stratégies de l'OLP palestinienne,
ou bien pour un seul Etat, ou pour détruire la " Nakba ", ou
pour créer deux Etats
pourrait en outre servir de toile de
fond au désespoir qui anéantit pour partie les populations palestiniennes
du Moyen Orient. Il n'existe en effet aucun espoir réel vers une issue
politique démocratique suite aux spoliations faites aux palestiniens,
et à d'autres
.Daech pourrait également s'y intéresser.
Dores et déjà les insurgés de Tchétchénie
passent du côté de Daech (Le Monde du 1° juin). Actuellement
toutes les spoliations peuvent servir de ferment, jusque dans les pays européens,
comme base de recrutement pour se battre au Moyen Orient contre " l'impérialisme
", dont la représentation est les USA.
La révolution sociale iranienne confisquée par Khomeini en 1979,
puis " portée " par lui (puisqu'il s'en est prévalu
intelligemment) a jeté des milliers d'opposants " révolutionnaires
" dans les bras de l'islam politique, puis de l'islamisme dans toutes ses
composantes dont le djihadisme. Celui-ci, aujourd'hui, pour la première
fois, se distingue de plusieurs sortes de mouvements politiques islamistes,
dont il faudrait tenir compte. Les mouvements islamistes en Tunisie, en Turquie,
en Egypte, en Syrie, au Liban, au Yémen
. sont tous différents
et ne se réclament pas des mêmes valeurs.
C'est dans ces circonstances que le ministre irakien Abadi voudrait aujourd'hui,
mais trop tard, intégrer les sunnites d'Irak et les kurdes dans une garde
nationale pour partir à l'assaut de Daech au Nord, à la demande
des USA. 5000 sunnites y seraient prêts mais dans une situation de méfiance
légitime, car on les arme au compte- goutte et le parlement irakien bloque
des réformes qui balayeraient ce qui a été fait en 2003
.
Cette initiative d'Abadi pourra-t-elle aboutir, alors que l'Iran arme les milices
chiites, largement indépendantes, prêtes à en découdre
contre tous les sunnites qu'ils soient pour ou contre Daech
Une situation
chaotique !
Au total:
-Un premier axe dit " chiite ", à cause de l'Iran, est donc
un axe d'abord politique, dit " anti-impérialiste et " anti-sioniste
" par des analystes dits marxistes d'extrême gauche. De ce point
de vue, Daech, par sa haine de tout ce qui est américain et occidental,
pourrait apparaître à moment donné bien plus " anti-impérialiste
", sauf qu'il est avant tout un conquérant revanchard du baas irakien
et du clan Saddam Hussein. Il pourrait apparaître aussi anti-sioniste
si, par hasard, il se saisissait de la cause palestinienne. Et cela rendrait
les combats bien plus violents qu'ils ne le sont.
En réalité cet axe dit " chiite " (mais pas seulement),
fragilisé par le départ du Hamas, encore porteur de la "
révolution sociale" aux yeux de nombre de militants, s'oppose intelligemment
à l'Occident (sans rompre avec lui), et à Israël, dans le
domaine nucléaire, et constitue une éventuelle grande puissance
dans le Moyen Orient, malgré les dégâts économiques
imposés par l'embargo des USA contre l'Iran. Le départ éventuel
de Poutine l'isolera. Mais le récent accord de juillet 2015 sur la
question nucléaire va renforcer l'Iran qui va ainsi se débarraser
du fardeau de l'embargo..
-La coalition internationale (1), l'Arabie Saoudite, l'Egypte
contre
Daech, constituerait un 2ème axe. Elle est plus confuse dans ses déterminations,
mais plus importante. Sous l'impulsion du nouveau roi d'Arabie, Salman,
une alliance militaire s'est créé entre les djihadistes salafistes,
Al Nostra (Al Qaïda), les frères musulmans, très opposés
au gouvernement de la Syrie. Cette alliance qui a reçu des missiles Tow,
peut être amenée à collaborer avec les opposants anti-Assad
de l'ASL (l'armée d'opposition), que la coalition armerait au compte-goutte...
Cela signifie que lors de la chute prévue de Assad, se feraient face,
Daech, des islamistes en tous genres, des kurdes, l'Iran, une gauche démocratique
plus que faible, une extrême gauche minuscule
.. et une population
exsangue.
Le roi Salman qui est prêt à tout pour faire tomber Assad, l'un
des piliers de l'axe " Chiite " jugé très dangereux
pour l'Arabie, peut modifier ses alliances d'un moment à l'autre, selon
les évènements. Que fera son partenaire Al Sissi, président
d'Egypte, avec une population sunnite et marginalement chrétienne, qui
lutte contre les frères musulmans et tout ce qui ressemble à un
islamiste pour garder le pouvoir ? Que choisira-t-il ?
Cette alliance miliaire s'est également mobilisée contre les houthistes
du Yémen (proches des chiites) avec l'appui de la ligue arabe, et des
USA, traditionnellement alliés avec l'Arabie. Elle y a semé
le chaos et jette des milliers de yéménites dans la misère
et dans les rangs des réfugiés.
Dans ce deuxième axe, il apparaît que les occidentaux ont cessé
de faire prévaloir des principes, et ne se cachent pas de n'avoir plus
que des intérêts économiques: vendre des armes.
Absolument rien ne dit que le roi Salman ne pourrait pas, malgré la présence
des USA à ses côtés, faire une alliance transitoire avec
Daech, le moment venu, pour faire face à l'Iran. L'importance des emprunts
idéologiques de Daech au salafisme, pour les besoins de sa domination,
pourrait faciliter les choses
..
-La Turquie au printemps aidait discrètement Daech.
Fin juillet 2015, la Turquie, attaquée par DAECH, riposte et bombarde ses territoires. Les alliances vont se modifier.. Elle accepte que les USA transitent par la Turquie. Mais celle-ci se moque des méfaits de Daech au Moyen Orient, elle ferait volontiers alliance avec les sunnites de Daech briseurs de peuples. Deux choses intéressent le gouvernement turc. La pérénité du pouvoir de Erdogan, l'avenir du PKK kurde qui ne doit pas profiter de la situation pour conquérir son indépendance.
Le PKK gêne visiblement la Turquie en combattant victorieusement Daech. La connivence de la Turquie avec ce dernier a indigné les turcs qui se sont mis à voter pour le parti pro-kurde HDP aux législatives, ce qui a empêché le rêve de superprésidence de Erdogan de se réaliser. L'AKP a perdu sa majorité au parlement. De ce fait le choix de Erdogan est clair: frapper le PKK, et rompre les discussions de paix.
L'attaque suicide du 20 juillet vers Kobané, qui a fait 32 morts chez les kurdes, est très probablement une provocation policière partie de haut. Daech ne l'a pas revendiquée. Elle avait pour objet de favoriser la riposte des kurdes, pour procéder à des arrestations et bombarder les positions des kurdes plutôt que celles de Daech. Et l'Occident apporte son soutien à la Turquie ! Honte... (Le Monde du 31-7-15)
Ceci en dit long sur les stratégies pour le pouvoir. Le seul contenu politique est le pouvoir. Aucun autre objet !
- Israël ?
Israël dans tout cela ? Cet Etat peut-il préférer à
terme s'entendre avec Daech pour éviter que les palestiniens excédés
ne se livrent massivement à des attentats du genre de ceux qui ont présidé
à la prise de Ramadi en Irak ? Tandis qu'il n'a aucune chance de s'entendre
avec le Hezbollah. Ses alliances dépendent des choix des palestiniens.
Ou alors peut-il espérer que les USA, avec ses alliés occidentaux
et arabes, se livrent à un carnage généralisé au
Moyen Orient, maintenant que la France vend ses Rafale (vive les emplois créés
en France dans l'armement
!), au risque de la guerre nucléaire
??
Conclusion provisoire:
Les alliances et les intérêts d'Etats n'ont, décidément,
rien à faire des différends religieux, sauf pour diviser leurs
opposants, mâter leurs populations, jeter la confusion, amuser les bavards,
nourrir les propos racistes de certains journalistes à la solde des puissants
occidentaux
.
Face à cette situation abominable, peut-on espérer un sursaut
des peuples pour imposer que les armes se taisent, non pas pour une bonne paix,
mais pour une paix qui garantisse que chacun puisse rentrer chez soi, et au
minimum puisse accéder à la nourriture et l'eau
? Des populations
désespérées peuvent encore choisir le pire. Il n'est pas
vrai que la guerre civile et la guerre tout court, puissent se transformer en
guerre révolutionnaire, comme on le chantait jadis. L'aboutissement ne
serait qu'une tyrannie impitoyable de plus. Que certains cessent de se payer
de mots.
Si les forces démocratiques occidentales ne tentent pas d'imposer cette
paix, même précaire, même mauvaise, entre les belligérants
tels qu'ils sont, en saisissant leurs propres gouvernements, alors, vive la
pire des barbaries : 60 millions de réfugiés dans le monde aujourd'hui,
des camps de réfugiés un peu partout qui seront des camps de la
mort, une nouvelle guerre contre de dits passeurs qui sont eux-mêmes des
réfugiés ou des chefs de guerre libyens
, des murs de clôture
autour de l'Europe, une méditerranée où seuls les riches
iront bientôt cyniquement mettre en place de monstrueux élevages
industriels de poissons
. !
Qui sont les principaux responsables de cette vague de réfugiés
sans précédent dont personne ne veut bien sûr ? Une résurgence
du nazisme pourrait y mettre fin
On ne sait ce qui peut naître de
cette vague de réfugiés qui n'ont plus rien, et qui s'aperçoivent
qu'ils sont autant détestés par l'Occident que par leur tyrans..
Colère inédite ! Mise en question de notre relatif bien être
!
En attendant l'Europe se couvre de honte en refusant d'accueillir des réfugiés dont elle est la première responsable.
(1)La coalition internationale, en forces d'intervention et en armes à des degrés divers : Les USA, la France, le RU, le Canada, l'Australie, l'Allemagne, l'Italie. En aide humanitaire : l'Arabie Saoudite, la Turquie, le Koweit, la Norvège, la Pologne .
Le 8-11-15 AMC