Cette question est une question difficile, et mal débattue, où
tous les clichés sont bons. Elle fait l'objet de la part des marxistes
d'un vrai refus de débat. Il convient de travailler le sujet de façon
approfondie sans préjugé.
Ci-dessous un ancien article de 2013, et un nouveau sur le "populisme".
Ceux qui écrivent qu'on ne peut demander le retour du protectionnisme
en raison du danger nationaliste, utilisent la langue de bois, font référence
à Marx comme à la bible, ne connaissent pas leur histoire, et
sont incapables de donner des définitions
La constitution historique des nations n'a pas représenté en soi
un processus réactionnaire, au contraire. Les nations se sont construites,
ou consolidées, généralement contre l'oppression, contre
un pays dominant ou colonisateur (L'Allemagne contre la GB en 1848; les USA
contre la GB en 1776; le Mexique contre les USA en 1845 après avoir été
dépecé de la moitié de son territoire ; l'Italie contre
le Vatican, l'Espagne, et l'empire austro-hongrois en 1848 ; tous les pays d'Afrique
contre les pays colonisateurs, la France et la GB
etc etc..), ou bien
encore contre l'oppression féodale dans une révolution sociale
où la bourgeoisie, bien qu'elle ait développé le salariat
naissant, en contraignant la paysannerie et le petit peuple des villes (La France),
a fait valoir le "contrat social" autour de l'ensemble des citoyens.
L'idée même du contrat social autour des citoyens, quels qu'ils
soient, est une idée positive, même si la lutte des classes
oppose les citoyens entre eux. Les citoyens ont vocation, à terme, à
débattre de questions qui les concernent tous; les citoyens, quoi qu'il
en soit, sont tous égaux en droit, même si la justice est faite
pour les riches. Cette idée a permis de promouvoir la République,
qui certes peut être galvaudée en dictature, en République
soviétique, en République islamique, si elle prétend ne
tolérer qu'un seul parti, ou agir au nom d'un dieu...
Il y a aussi des nations qui ont été unifiées historiquement par des despotes qui remplissaient le rôle de " Communauté supérieure " (voir le mode de production asiatique chez Marx) ayant assumé les tâches utiles de grands travaux, de commerce, d'unification monétaire, de protection militaire ..(Russie, Chine, Iran, Egypte, les nations incas ). Ces nations ont été des réservoirs de grandes cultures, et d'immenses patrimoines.
La Nation est donc composée de l'ensemble des citoyens quels qu'ils soient, unis par un contrat social, et a son histoire propre.
Les pays impérialistes, instruits par l'histoire, ont eux-mêmes impulsé la création de nations, comme Nations tampons, abusivement découpées (traité de Versailles pour l'Europe centrale, puis dans le traité qui a suivi en 1923 dépeçant l'empire ottoman en nations non désirées par les populations au moyen Orient), ou comme nation gendarme à leur service : Israël Et pire, avec la 1ère guerre mondiale les pays occidentaux ont ethnicisé la nation (autour de la langue, de la religion, du "sang".., des origines bibliques.....) refusant par là l'autodétermination des peuples, et ont inventé "la nation juive", la "nation musulmane" (cf la question de la Palestine dans les années 20, la partition de l'Inde, la partition de la Yougoslavie..
Un travail d'historien devrait faire l'objet d'une synthèse claire, et
utile.
La nation (distincte de la " patrie" très connotée politiquement)
n'est en rien contradictoire avec l'internationalisme ouvrier et paysan ; elle
s'appuie sur des territoires, des langues multiples et diverses (et non pas
une seule langue), des patrimoines culturels, artistiques, historiques, culinaires,
religieux divers
.Les peuples de ces nations ne sont pas prêts à
y renoncer.
Lénine ne s'y était pas trompé au départ en reconnaissant
le droit des peuples à l'autodétermination. Celle-ci est bien
le droit pour un peuple de se déclarer nation indépendante ou
non. Ceci dit, Lénine s'est assis sur ce droit en Géorgie par
exemple, et prétendait "coloniser" la Pologne au nom des soviets,
pour lesquels il n'avait aucune amitié....
Alors qu'est-ce que le nationalisme ? Les nationalistes arabes ont eu bien des
illusions dans l'entre deux- guerres, mais ils étaient des progressistes
qui s'appuyaient sur l'idée de la Nation arabe, dont ils avaient été
frustré. En fait les marxistes soviétiques n'ont jamais su répondre
à ces nationalistes, si ce n'est en les utilisant et les manipulant,
par exemple dans les pays autour de l'URSS, en Palestine.
Les palestiniens sous mandat anglais, après la première guerre
mondiale, puis exclus pour partie par les israéliens en 1947, furent
spontanément nationalistes. Arafat les unifia, dans la charte de l'OLP
(éliminée dans les années 80 par les efforts conjoints
des USA/FR/GB/Israël) , et se battit à l'origine pour une seule
nation de la Palestine, laïque, comprenant tous les juifs qui y étaient,
et les autres populations natives du pays
. Aujourd'hui le nationalisme
palestinien n'a plus cette valeur, il a été dévoyé
par les efforts conjoints de l'impérialisme et du communisme soviétique.
Et Arafat a été acheté, manipulé
et peut-être
assassiné. La revendication d'un Etat palestinien ne s'appuie plus sur
une véritable demande d'auto-détermination, puisque celle-ci est
interdite du fait de l'existence d'Israël, mais sur le désir de
petits chefs bureaucrates, de prendre du pouvoir sur un " territoire-guenille
" en collaboration avec l'ennemi. En l'occurrence l'ennemi n'en veut même
pas.
Aujourd'hui la notion de nationalisme a une connotation fascisante dans la bouche
de ceux qui l'emploient, et s'oppose à celle d'internationalisme, souvent
par ceux-là même qui ont justifié la mort de l'internationalisme
en 1941
Le " nationalisme " sert souvent à justifier que la mondialisation
capitaliste serait plus proche de l'internationalisme, que la défense
des nations luttant par exemple pour le pouvoir de soviets et leur fédération
Le nationalisme progressiste est la défense de la nation et de ses acquis
contre les appétits des grands de ce monde, et n'a pas vocation à
refouler des peuples immigrés qui cherchent refuge.
30-9-13 AMC
(essai à critiquer mai 2016)
Qu'y a-t-il derrière le populisme ? Aussi bien en Europe de l'est, qu'aux
USA avec Donald Trump ?
Le populisme et ses pires contenus dans l'extrême droite peut virer au
nationalisme fasciste, au racisme le plus abject. Il est à examiner de
près, il peut avoir des origines variées, contradictoires : retour
à des sources imaginaires, croyances en un peuple supérieur, réactions
de vengeance après trop de mépris des dominants contre des cultures
populaires, frustrations et recherches du bouc émissaire
. Au moment
du nazisme certains analystes ont dit que c'était l'une des expressions
du " Grand capital " (Daniel Guérin par ex).t. En Amérique
latine, la gauche centriste se revendique d'un populisme de gauche depuis fort
longtemps. Frédéric Lordon en France vient de se déclarer
pour un populisme de gauche..
Pour l'heure, à l'Est de l'Europe il s'agirait d'un populisme né
des frustrations générées par le nationalisme " grand
russe " dans des pays conquis et humiliés par l'URSS, qui ne trouvent
pas leur compte dans les propositions de l'Europe des grands groupes industriels
et financiers. S'y agrège l'extrême droite européenne nostalgique
peu ou prou du fascisme allemand. Tandis qu'aux USA il s'agit de couches sociales
qui ne trouvent plus leur place dans le monde capitaliste, mais qui sont "
menées " et manipulées paradoxalement par un milliardaire
lié au grand capital
. !
Qu'entend-on au niveau du discours, au-delà de leur haine de l'étranger
par principe ? On entend un mouvement d'opposition profond et diffus contre
la mondialisation des échanges et les nouvelles technologies qui suppriment
les emplois et transfèrent les industries au sud des pays industrialisés
ou vers l'Asie : pêle-mêle on y trouve énoncés la
mise en cause de la concurrence, les mouvements de capitaux non contrôlés
impulsés par les banques, la haine de la grande finance, les flux migratoires
Plus personne ne croit que l'emploi détruit sera compensé dans
les services ; plus personne ne croit que les riches vont cesser de s'enrichir
et que les pauvres vont cesser de s'appauvrir
De grands médias comme The Financial Times, The Economist osent enfin
parler des méfaits du Libre-échange, du retour au protectionnisme
voulu par certains, à droite, et à gauche
Ces médias
ont entendu Donald Trump et Bernie Sanders, très opposés, critiquer
la mondialisation.
La gauche de la gauche l'a, elle-aussi, critiquée, mais en se refusant
à récuser la libre circulation des capitaux et le libre- échange.
Il a fallu que les masses s'emparent des idées de Trump et de Sanders,
à deux pôles opposés, pour que les grands idéologues
du libéralisme s'émeuvent. C'est ainsi que le New York Times écrit
le 4-4-16 " Nous avons permis aux gagnants de la mondialisation d'en
empocher tous les bénéfices, ne laissant que des miettes aux perdants
comme Sanders le dit avec raison ". Raul Krugman s'interroge alors
sur le retour du protectionnisme.
L'article du Monde du 22-4-16 livre en vrac ces problèmes sous la plume
d'Alain Frachon. Et l'auteur suggère qu'il y a confusion dans les débats
entre la protection des frontières et la protection des gens. Mais il
n'explicite pas cela directement, trop attaché au préjugé
du libre-échange.
La gauche de la gauche ne s'exprime pas sur ces problèmes. Elle considère
dans son ensemble qu'il n'y a pas à transformer fondamentalement la production,
et que les technologies nouvelles sont en général bonnes à
prendre. Elle ne se prononce pas sur la question du contenu des emplois et du
salariat.
Elle est la grande absence d'un débat de fond qui devrait avoir lieu
et n'a pas lieu. Le populisme est la réponse à ce vide.
La protection des frontières ne devrait, selon nous, concerner que les
marchandises et pas les humains pour lesquels il faut étendre la protection,
en ne tolérant plus que le 1% des plus riches continue de s'emparer de
la majeure partie des richesses, en ne tolérant plus une surproduction
alimentaire industrielle plus qu'indécente, et un gaspillage éhonté.
Oui il faut en finir avec le libre-échange dans les plus brefs délais,
et expliquer que l'inquiétude légitime des masses doit se porter
sur un autre type de production conforme aux besoins, et non pas contre ceux
qui voudraient recevoir un peu de cette manne gigantesque de production dont
l'objet actuel est d'être gaspillé, jeté, broyé par
les grandes surfaces
.Ce serait à la gauche de la gauche de l'expliquer.
Non pas précisément rapatrier les industries du sud, mais produire
autrement, en respectant les humains et la nature. Fermer les frontières
à certaines marchandises, ouvrir les frontières à d'autres,
et aux humains dont nous avons détruit tous les moyens de production,
dont nous avons protégé les tyrans, dont nous avons rasé
les villes. Il faut ouvrir de grands débats publics sur toutes ces questions.
Comment ? Toute la question est là.
Sinon le populisme va s'étendre à tous les pays industrialisés
en raison du silence de cette grande muette qui en est restée largement
aux illusions laissées par l'URSS et auxquelles elle tient.
avril 2016 AMC