(8-6-12 Texte provisoire)
Du fait de leur situation bancaire, et des conditions imposées pour le remboursement de leur " dette publique ", l'Espagne, l'Italie, le Portugal vont dans les semaines qui viennent poser inévitablement la question de l'existence de l'EURO à la suite de la Grèce, même si cette dernière dit vouloir rester dans l'euro.
Une partie de la bourgeoisie allemande serait heureuse de revenir au Deutsch
Mark, ou de s'approprier l'euro pour les seuls pays du nord, à l'exclusion
même de la France. Voulant seulement pleinement profiter du libre- échange
institué par l'Europe, entre pays riches et pays pauvres de ce continent,
l'Allemagne n'entendait pas, à l'origine de la monnaie unique, participer
à une quelconque solidarité financière (Le Monde du 2-6-12).
La crise des banques espagnoles, ayant entraîné la nationalisation
de la banque Bankia (fusion de 7 caisses d'épargne en 2010) en mai 2012,
fait essentiellement suite à l'effondrement de l'immobilier en Espagne
qui s'est produit après la crise de l'immobilier aux USA mais pas pour
les mêmes raisons.
Formellement celui-là est le résultat d'une surproduction ou d'une
mévente grave dans l'immobilier espagnol. Le schéma marxiste "
surproduction/crise économique/crise financière et bancaire "
semble apparemment respecté. Selon ce même schéma, l'assainissement
capitaliste voudrait que, après quelques faillites retentissantes, chez
les promoteurs/industriels du bâtiment et au niveau des banques, provoquant
un chômage important, les affaires repartent autour du bâtiment
et avec de bas salaires, pour retrouver un taux de profit élevé.
Mais il ne peut en être ainsi. .
D'une part les banques espagnoles ont également fait les frais, comme
toutes les banques, des titres pourris venues des subprimes ce qui n'a rien
arrangé, mais n'est pas l'aspect essentiel.
D'autre part, derrière la dite surproduction dans l'immobilier, il y
a en Espagne, et plus qu'ailleurs, la gangrène d'une activité
immobilière totalement corrompue. On sait maintenant que les crédits
bancaires alloués aux promoteurs immobiliers se montaient à 320
Mds d'euros, à tel point que le parquet anticorruption, peu regardant
en Espagne, s'est pris de doutes
(Le Monde du 8-6-12)
Enfin, l'euro et le " mécanisme de stabilité monétaire
" déjà ratifié par quelques pays européens,
c'est-à-dire le grand capital européen, imposent un refinancement
des banques impossible à atteindre sans mettre cette fois l'Etat en faillite
et jeter la majeure partie de la population dans la misère, ou plus précisément
dans la rue
Comme en Grèce, " la stratégie du choc ", voulu par
un capitalisme plus libéral que jamais, s'appuie sur ce qu'il y a de
plus délictueux dans une société, pour crédibiliser
ses exigences mortifères, exigences qui prendraient ainsi un air de moralité
! En Grèce, c'est l'absence d'impôts sur l'activité de l'église
et des armateurs
, en Espagne c'est un secteur immobilier plus que corrompu.
Apparemment ce qui est attendu de l'Espagne, par une gouvernance européenne
(technocrates de la CE et BCE) plus féroce que le FMI, est pire que ce
que l'ajustement structurel imposait ( et impose encore) aux pays du Tiers monde.
Sans doute parce qu'il est plus difficile de mettre les pays européens,
même les plus pauvres, au niveau des pays du Tiers monde, que d'imposer
à ces derniers encore un peu plus de misère. Mais il semble bien
que cette gouvernance soit décidée à superposer à
l'effondrement de l'immobilier la plus abominable des politiques de destruction
du tissus social n'hésitant pas à aller jusqu'à la cassure,
comme si cela ne risquait absolument rien.
Avec le prétexte de la " dette publique ", Bruxelles a déjà
obtenu du gouvernement espagnol des mesures telles que 300 000 micro entreprises
ont fait faillite, que 700 000 emplois ont disparu (Le Monde du 14-3-12), et
exige encore plus
Pourquoi pas revenir à l'époque franquiste
?
Compte tenu de ce qui précède, peut-on, dans une perspective réformiste
minimum, vouloir revenir à une situation où l'économie
espagnole, dominée par l'immobilier et le tourisme, pourrait repartir
telle quelle, certes avec un salariat affaibli ? Même sans la politique
de Bruxelles, ce serait impossible.
L'Espagne n'a jamais pu se construire, comme pays capitaliste, avec une forte
infrastructure industrielle. Par compensation, et du fait de sa situation géographique,
elle s'est construite dans le cadre d'un parasitisme économique prononcé,
du point de vue même du capitalisme.
A travers l'immobilier espagnol, la question du contenu du système économique
et politique est plus que jamais posée. Le niveau de dégénérescence
et de corruption, dans les couches supérieures de la société,
étaient et sont encore tels, entre autre dans l'immobilier, que l'on
voit mal comment celui-ci pourrait se reconstruire impunément sur les
mêmes bases. Et qui pourrait le souhaiter en toute clarté ? Les
keynésiens ? Le système lui-même semble être son propre
fossoyeur, sans même que l'euro en soit précisément à
l'origine.
Et sans doute, la plupart des faillites, dépôt de bilan en Europe,
posent les mêmes questions actuellement.
L'effondrement de l'immobilier espagnol n'est pas dû d'abord au fait que
les petites gens ne pouvaient plus acheter des appartements du fait de la chute
de leurs revenus, ou du fait d'un taux d'intérêt variable, comme
aux USA dans la décennie 2000. En effet ce qui était construit
n'était pas pour eux ! C'est l'effondrement des zones touristiques en
premier lieu, et secondairement du tourisme lui-même. L'exploitation de
ces zones a trouvé ses limites dans la décennie 2000.
Les immeubles touristiques, construits (souvent sur des terrains publics, vendus
par des maires corrompus ; ou dans des parcs régionaux
) à
l'aide de travailleurs étrangers (des marocains) payés à
coup de lance pierre, au mépris de toutes les règles de sécurité,
de savoir- faire, de cadastre, sans considération de l'évolution
du tourisme, mais mus par l'appétit sans limite des mafieux et escrocs
en tous genres, sont arrivés à saturation. Les principaux débouchés,
le " temps partagé ", la location, ainsi que les appartements
pour retraités européens, se sont effondrés. Or toutes
les banques espagnoles étaient des complices stupides de ces constructions,
croyant la poule aux ufs d'or inépuisable. Elles avaient prêté
massivement et couvraient en plus toutes les escroqueries.
Tout ce système était dissimulé par une justice elle-même
mafieuse, encore très largement franquiste. Pendant la décennie
2000, des centaines de dossiers de plaintes ont été ouverts en
justice, au sujet de l'immobilier, mais à peine un sur vingt était
examiné et aboutissait à un procès public...tant les juges
espagnols sont au service presque exclusif de la mafia logée au cur
de l'appareil d'Etat avec des antennes monstrueuses dans l'immobilier.
L'Europe a fermé les yeux devant ce lobby mafieux de l'immobilier qui
avait des ramifications dans tous les pays européens, entre autres la
France, la Grande Bretagne, la Belgique, et qui intervenait directement auprès
de ses fonctionnaires. L'Europe n'était préoccupée que
par l'organisation de la croissance de la dette publique
.et comptait se
servir des faiblesses internes des Etats pour leur imposer des politiques d'austérité.
La source touristique européenne, même relayée par les malfrats
russes, s'est donc tarie : chute des revenus des classes moyennes, mais surtout
très mauvaise presse de l'immobilier espagnol où les escrocs français,
anglais, espagnols rivalisaient d'imagination pour détrousser les touristes.
Cette chute est-elle sérieusement le résultat d'une crise économique
??? Ou participe-t-elle aux limites inhérentes à une production
largement mafieuse ?
Certes, il s'agit d'une surproduction d'appartements touristiques mais au sein
d'une crise du logement sans précédent en Espagne, où les
petites gens seraient bien en peine de se saisir des appartements vides..hors
des villes, le long des plages !
Cet effondrement immobilier est une caricature de crise économique, laquelle
intervient généralement comme résultat d'un affrontement
concurrentiel. Ici c'est un fruit véreux qui tombe sans même que
la concurrence s'en mêle, mais plutôt la guerre des gangs entre
promoteurs. Il y a entre une crise économique classique et un pourrissement
général, une différence de nature.
Les appartements ne se louent plus, ne se vendent plus, les milliers de possesseurs
de temps partagé ne payent plus leurs charges
Les propriétaires
des immeubles, ayant vécu pendant des années sur un modèle
princier, ne peuvent plus payer leurs impôts. Et les banques ne sont plus
remboursées.
Aujourd'hui le gouvernement espagnol voudrait injecter 40 Mds d'euros dans les banques pour les sauver, et se résoudrait finalement à recevoir " l'aide " de l'Europe pour ce faire. Les espagnols écoutent les échanges entre ces protagonistes avec stupeur et effarement " On nous a mis sur la paille, et on voudrait donner 40 Mds aux banques ? "
Nous ne pouvons qu'applaudir au flop du fruit pourri qui tombe et qui peut constituer un assainissement. Sauf que ce sont des milliers d'espagnols qui ont perdu leurs emplois, dont les familles vivent à plusieurs sans revenu dans des maisons ou appartements surpeuplés, et qu'on prétend encore expulser, car ils ne peuvent plus payer les traites ou les charges, et contemplent avec stupeur les centaines d'immeubles vides le long des côtes.
Où est le vrai scandale ? Il est dans le soutien par l'Etat de Bankia
et de sa nationalisation, et de toutes les banques. La restructuration financière
des banques exigerait au final 84 Mds d'euros (le Monde du 2-6-12). Il s'agit
entre autres des banques qui recevaient les comptes de la mafia : Sabadell,
CaixaBank, Banco Santander (les principales banques qui couvraient les besoins
de la mafia et recevaient leurs comptes sont la BBVA (la Vizcaya), la BANESTO,
CAÏXA principalement, puis RABO BANK, SANTANDER, CAJAMAR, CAJA CANARIAS,
SOLBANK, BANCO POPULAR, BANCA MARCH, BANCO PASTOR, Sabadell...).
Sans compter les liens de ces banques avec l'île de Man, Gibraltar, les
îles Vierges, le Luxembourg.
Bien sûr, les espagnols sont appelés à payer pour sauver la mafia ! Et dans le même temps, en raison de la libre circulation des capitaux instituée en Europe grâce à la social-démocratie dans la décennie 80, 97 Mds d'euros de la clique des gens riches et de la mafia ont fui d'Espagne au 1° trimestre 2012 !!! (Le Monde du 2-6-12). N'est-ce pas beau ?? De quoi faire un film à sensation.
Dans le même temps la bourse a chuté de 30%, et la filiale en
Argentine du groupe pétrolier espagnol REPSOL est nationalisée,
ce qui ne fait pas les affaires de la société mère et s'ajoute
aux problèmes existants.
S'il existait une internationale des travailleurs, les salariés argentins
pourraient s'adresser aux salariés espagnols sur le thème "
Nous n'avons rien à payer aux banques, aux lobbies, saisissons nous de
ce qui nous appartient. Investissons les banques, les entreprises, les bâtiments
publics, les grandes surfaces.... ".
Il ne serait pas très difficile que les salariés se joignent entre
eux. Mais la conscience de la solidarité internationale est à
récréer. Qui va s'en charger ?
Que peuvent demander légitimement les espagnols dans des coordinations,
associations, comités
?
-La restitution de tous leurs comptes bancaires et leur placement dans une banque
coopérative gérée par eux
-l'arrêt immédiat des expulsions
-Le refus absolu de couvrir les dettes des banques
-le refus absolu de payer la dette publique
-le refus de l'austérité de Bruxelles et de son pacte de stabilité
-la mise à la disposition des petites gens des impôts nécessaires
pour construire immédiatement les logements indispensables sous contrôle
des habitants
-la suppression de toutes les entraves à n'importe quelle petite production
et à la production collective pour que le maillage des micro-entreprises
se reconstitue.
-le rejet violent de toute concurrence extérieure aux productions régionales
-le contrôle immédiat des capitaux
-la solidarité active entre les travailleurs des différents pays
à propos des délocalisations d'entreprises, d'OPA de sociétés,
de fermetures d'entreprises, de réorganisation de la production
et l'échange de leurs productions sur des bases de troc.
..
Si les organisations politiques d'extrême gauche servent à quelque
chose, elles doivent populariser ces idées et organiser la solidarité.